Dans l’aire d’arrivée, on peut entend souvent un même refrain parmi les suiveurs helvétiques de la Coupe du monde de ski: « Mais donnez-nous des adversaires ». On ne saurait donner tort à cet écho persistant qui trouve place sur des t-shirts de supporters depuis que s’enchaînent les grosses performances des skieurs suisses ces dernières saisons. Et la nouvelle a débuté sur les chapeaux de roue pour l’équipe masculine avec 12 podiums dont 6 victoires en 10 épreuves disputées. Si on se concentre uniquement sur la vitesse, Justin Murisier et Marco Odermatt ont triomphé lors des deux premières descentes de l’hiver, Franjo von Allmen est monté sur le podium, tandis que l’ensemble de l’équipe de Suisse a encore haussé son niveau par rapport à la saison précédente, même en l’absence de certains éléments à commencer par Niels Hintermann.

Derrière ces succès se cache dans l’ombre un staff technique redoutable, de l’entraîneur en chef Thomas Stauffer à Reto Nydegger, responsable du groupe vitesse, en passant par le petit nouveau qui a intégré le cadre des coaches de Coupe du monde, Valentin Crettaz. Depuis l’été dernier, le Valaisan de 37 ans est l’un des principaux entraîneurs d' »Odi » et de ses coéquipiers sur le Cirque blanc. « J’étais au bon endroit au bon moment », confie modestement l’Anniviard. Mais derrière la promotion, celui qui était encore ces derniers hiver l’entraîneur en chef des cadres C de Swiss-Ski possède déjà près de deux décennies d’expérience dans le coaching. « C’est une véritable passion », souligne Valentin Crettaz. « J’aime être dehors, dans la neige, échanger au quotidien avec les athlètes, les aider à progresser. »

Du génie civil à la Coupe du monde

Au-delà d’une passion, entraîner était une vocation pour le Grimentzard qui a naturellement d’abord poussé le portillon, seulement jusqu’à ses 16 ans cependant, lucide quant à ses capacités à percer. « J’étais assez loin des gars de mon âge comme Ami Oreiller. J’ai préféré arrêter après les OJ pour me concentrer sur mes études, en me disant qu’il n’y avait peut-être pas que le ski dans la vie. » Et pourtant, son sport de coeur le suit à travers son cursus. Pendant ses années de collège, Valentin Crettaz entraîne successivement au ski-club de Grimentz, puis au Team Anniviers. Dans ses bouquins, il entame des études de génie civil à l’EPFL pour devenir ingénieur comme son père, avant de rapidement bifurquer vers des études en sport, rattrapé par son amour de toujours. « Celles-ci pouvaient m’apporter un plus pour bosser dans le ski. »

Puis tout s’enchaîne, puisqu’il intègre en 2013 le centre national de performance (NLZ) à Brigue, avant de rejoindre Swiss-Ski en 2021 et de devenir l’entraîneur principal du cadre C une année plus tard. Une progression linéaire qui porte le Valaisan dans le groupe de Coupe du monde au printemps passé. « Je venais pourtant de confirmer que je souhaitais poursuivre une année avec le C », avoue-t-il. Mais une discussion avec Reto Nydegger a rapidement changé la donne. « Il cherchait un nouvel entraîneur et, comme j’avais fait part de mon intérêt pour monter en Coupe du monde il y a une année, ils m’ont demandé si j’étais toujours intéressé. Je ne voulais pas rater cette opportunité qui aurait pu ne plus exister à la fin de cette saison. »

« Tschugger » pour l’oreille et l’intégration

Fort de ses expériences passées, Valentin Crettaz s’est rapidement intégré dans un groupe qui vit bien et qui enchaîne les succès. « La grande chance que j’avais est que je connaissais déjà la moitié des athlètes car je les avais entraînés par le passé », à l’image d’Alexis Monney qu’il avait eu sous ses ordres déjà en NLZ entre 2016 et 2020. « Ensuite, il s’agit de se faire comprendre et connaître des plus anciens. » Et le plus souvent en allemand. « Quand tu travailles à Swiss-Ski, tu n’as pas le choix », rigole-t-il. Pour perfectionner la langue de Goethe ou plutôt son dérivé suisse-allemand, Valentin Crettaz n’hésite pas à se faire l’oreille en regardant des films ou la série haut-valaisanne à succès Tschugger. « On s’est fait toute la saison 4 avec le staff à Copper Mountain. Cela permet aussi de créer des liens, car que ce soit avec les entraîneurs ou les skieurs, tu en parles le lendemain. On ne discute pas que de ski. »

Valentin Crettaz avec Arnaud Boisset en analyse de courbe. (DR)

Pour le résident de Grimentz, le ski reste toutefois une véritable raison de vivre. « C’est le métier de rêve, mais il faut être passionné. » Les nombreux voyages, se lever aux aurores, se retrouver dans la neige et le froid une bonne partie de la journée en chaussures de skis, faire des analyses vidéo jusque tard le soir, pour se coucher après tout le monde, c’est la vie qu’a décidé de mener Valentin Crettaz, sans vouloir en changer. « Mon grand plaisir, c’est d’être sur la piste, de bosser et d’être disponible pour que les athlètes puissent donner leur maximum afin d’atteindre leurs objectifs. C’est avec le coeur que cela fonctionne le mieux. »

Les piquets, la vidéo, la météo et le chrono

Le Valaisan possède en lui un véritable esprit de leader qui s’est aguerri au fils des années comme en témoignent les différents postes à responsabilité qu’il a déjà occupés. « Cette saison, c’est différent, j’observe davantage, j’essaie de comprendre le fonctionnement de chacun en débarquant dans cette nouvelle équipe. Mais plus ça va, plus j’ose me mettre en avant, même si je suis quelqu’un de posé et tranquille. »

Dans le groupe « Mastery » de vitesse, lorsqu’il n’est pas en train de tracer ou d’analyser des manches, Valentin Crettaz est en charge de la météo. Les relevés de la température de la neige, l’humidité et la pression atmosphériques sont directement transmis aux servicemen par ses soins afin d’optimiser les performances de ses skieurs. Son cahier des charges comprend également la mise en place et les analyses chronométriques. « C’est de la pure analyse en sortant les différentes données qui vont pouvoir nous être utiles lors de l’analyse vidéo. »

Expertise, analyse, le coach anniviard s’est brillamment fondu dans un groupe qui excelle, porté par de grandes ambitions. « Il y a tout pour bien faire: des jeunes, des Romands, les Jeux olympiques et les Championnats du monde à la maison. Les défis ne manquent pas. » Animé par la passion, Valentin Crettaz et ses protégés sont parés pour écrire encore de nouvelles pages dorées du ski suisse.

Johan Tachet, de retour de Beaver Creek