Si Amélie Wenger-Reymond était déjà assuré avec les Finales de Thyon de remporter un onzième grand Globe de cristal dans sa carrière, tout était encore ouvert dimanche matin entre Bastien Dayer et Nicolas Michel pour la conquête du prestigieux trophée chez les hommes. Mais éole et la neige tombée durant la nuit ont malheureusement eu raison du parallèle de Thyon qui devait conclure la saison. Sans chausser les skis, Bastien Dayer a ainsi cueilli son premier grand Globe de cristal en carrière à 33 ans. Une récompense pour l’athlète d’Hérémence qui a longtemps chassé le Graal.

Bastien Dayer, que représente ce gros Globe de cristal, le premier de votre carrière?

C’est une grande fierté. Il m’a glissé trois fois entre les doigts par le passé, je m’étais presque résigné de faire un trait dessus. Plus on se concentre dessus, plus on y passe à côté. Je me rappelle notamment en 2009, j’étais jeune et j’étais passé si proche. Et ensuite, avec la carrière qui avance, il est toujours plus difficile de le conquérir. Je l’ai manqué encore l’an dernier, après un retour d’une grosse blessure, on se demande toujours combien de fois on pourra tenter de le gagner. Mais ça me tenait à coeur de pouvoir gagner une fois ce grand Globe de cristal. C’était la bonne saison pour moi, malgré la situation compliquée.

Qu’est-ce qui a fait la différence cet hiver?

Je crois que j’ai réussi à rester calme. Mon objectif était de me faire plaisir et ne pas forcément penser aux points. La situation sanitaire permet également de relativiser les choses. Nous avons connu trois gros blocs de courses. Il suffisait d’être positif au Covid-19 ou de devoir être mis en quarantaine et tous les objectifs tombaient à l’eau.

Pourtant, vous avez le sentiment que vous étiez plus fort la saison dernière…

Physiquement, j’étais un poil mieux il y a une année. J’ai connu un problème à l’épaule durant l’automne qui a tronqué ma préparation. Après, mentalement, j’avais le sentiment d’être moins solide cet hiver aussi. Je me suis posé pas mal de questions entre les manches. J’ai commis des erreurs, tout ne se joue à pas grand-chose, mais cette saison, cela a tourné en ma faveur.

Votre expérience a également été un atout pour aborder un hiver compliqué?

C’est vrai que par le passé, j’ai toujours été quelqu’un de fougueux et au final, avec l’âge, c’était peut-être un avantage d’avoir de l’expérience quand on voit les années de naissance dans la liste de départ. Je suis parvenu à être concis dans la gestion de ma vie privée, professionnelle et sportive. Il fallait également valoriser l’investissement en temps et en argent pour être au top. J’ai de la chance d’avoir un entourage compréhensif et lorsque j’avais de la peine à trouver de la motivation, je pensais à mes enfants, et je me disais que je n’étais juste pas là pour arriver en bas.

Etre père de famille vous permet-il d’aborder différemment la compétition?

Oui, on relativise plus facilement. Pendant 15 ans, tout tournait autour du télémark. Puis la famille est devenue la priorité. Cela m’a permis de m’organiser différemment. Avec deux enfants, on mise davantage sur la qualité plutôt que la quantité d’entraînement et cela a été payant.

La saison n’est pas terminée puisqu’il y a encore les Championnats du monde à Melchsee-Frutt la semaine prochaine avec la perspective de gagner également une première médaille d’or mondiale.

Ma saison est déjà réussie quoi qu’il arrive. Après le Globe de la classique, tout était devenu du bonus, je vais essayer de ne pas me mettre de pression. Je sais que je suis en forme et que tout peut se passer sur une course d’un jour. Mais je n’aime pas forcément la piste là-bas. C’est vrai que si je ne gagne pas l’or cette année en individuel (ndlr: Bastien Dayer compte six médailles mais aucune en or), je ne sais pas quand je pourrais le faire. J’était passé si proche il y a deux ans en classique en Norvège, mais j’avais commis une faute stupide.

A 33 ans, combien d’années vous voyez-vous encore pratiquer votre sport au plus haut niveau?

Une, deux, trois saisons. Tout est possible. J’ai trouvé un équilibre, surtout au niveau de la famille. Et tant que je peux jouer la gagne, je poursuivrai. C’est aussi un rythme de vie qui est devenu le mien. Et on n’a pas non plus l’envie de s’arrêter sur une saison si particulière. Il nous manque plein de choses, comme les voyages. Pour la première fois depuis 17 ans, je ne me suis pas rendu en Norvège cette année. On a aussi envie de célébrer les victoires, car l’après-ski fait partie intégrante aussi du sport, pouvoir partager avec les autres, c’est ce qui nous fait vivre et apporte de la motivation.

Johan Tachet