C’est un Ramon Zenhäusern tout sourire qui s’est présenté devant les journalistes à Chamonix après être monté sur son premier podium de Coupe du monde depuis un mois et sa victoire à Alta Badia. Très régulier, le géant de Bürchen ne parvenait toutefois pas à retrouver ses meilleures sensations depuis quelques courses. C’est désormais chose faite, sous la pluie de Haute-Savoie mais au meilleur moment, à trois semaines du slalom des Championnats du monde de Cortina d’Ampezzo.

“Ça fait du bien, le podium me manquait, a concédé le vice-champion olympique. Je skiais bien, j’entrais dans le top 10, mais il me manquait la prise de risques. Aujourd’hui, j’ai réussi à me lâcher, je suis très content. Pour ça, j’arrête d’écouter les théories à gauche et à droite.” Ce petit supplément d’âme dans son ski a donc fait toute la différence. “Ça fonctionne comme ça si tu veux aller chercher des victoires”, a rappelé le skieur de 28 ans, qui n’a pas été trop gêné par la neige, puis les trombes d’eau qui se sont abattues sur la Verte des Houches. “C’était compliqué, évidemment, mais je crois que la course a été régulière. Il fallait skier dans le rail, ne pas vouloir couper la ligne”, a-t-il décrypté.

Ramon Zenhäusern, un champion gêné

Alors que l’entraîneur en chef des slalomeurs helvétiques Matteo Joris estimait que son protégé était le meilleur ce samedi, Ramon Zenhäusern était extrêmement gêné au moment de répondre à la question de savoir s’il était actuellement le meilleur slalomeur de la planète. “C’est vraiment très dur à répondre, a-t-il expliqué Je sais que je peux skier vite et je le montre à l’entraînement. Théoriquement, oui, je peux être l’un des meilleurs. Mais à la fin, il faut faire attention. L’entraînement et la course sont deux choses différentes. Seules les courses comptent. Il faut savoir prendre des risques au bon moment. Il y a déjà eu beaucoup de champions de l’entraînement, mais en course, c’est autre chose…”

Cette prise de risque, toujours, est donc la clé. Et si Ramon Zenhäusern aurait pu évidemment devenir le premier Suisse à s’imposer en slalom en terre tricolore ce samedi sans ses quelques erreurs, il n’avait aucun regret: “En prenant des risques, je peux évidemment commettre des fautes, c’est le jeu. Mais si je n’en prends pas, je n’aurais jamais été sur le podium alors…”

Où s’arrêtera Luca Aerni?

L’un des autres grands bonhommes du jour dans le camp helvétique a été Luca Aerni. Retombé dans les tréfonds du classement mondial il y a un an, le Valaisan abordait cette fois le premier slalom de Chamonix en confiance. Pourtant, avec son dossard 25, il n’a pas réussi à bien poser son ski sur le premier tracé, terminé au 29e rang. Une place idéale… pour la deuxième manche, qu’il a découpé et remporté de manière magistrale, profitant d’un parcours encore en bon état et pas envahi par les flaques d’eau, pour échouer au 4e rang final. “Ce n’était pas un coup tactique volontaire, mais c’est sûr qu’on peut skier différemment sur une piste pas abîmée, a déclaré le skieur de Crans-Montana. J’ai fait une manche très solide, en essayant de tendre les lignes comme je le souhaitais.”

Aucune déception donc pour le champion du monde du combiné en 2017 après avoir déjà effectué une folle remontée: “Aujourd’hui, je ne peux être que satisfait. C’est vraiment la joie qui prédomine. J’ai cru en ma chance et j’ai tout donné. Je fais le plein de confiance avant la course de dimanche”. Et le skieur de 27 ans de se projeter… un peu, vers les prochaines semaines. “Je ne pense encore pas trop à la qualification pour les Championnats du monde, mais si je confirme dimanche, il y a une bonne probabilité que je puisse aller à Cortina.”

Trois Suisses dans les 6 premiers, pour la deuxième fois de l’histoire

Un troisième skieur helvétique a réussi à s’immiscer parmi les 6 premiers, une première depuis Levi en 2017 (Luca Aerni et Daniel Yule 4es et Loïc Meillard 6e). Et c’est donc à nouveau Loïc Meillard qui intègre le top 6, après deux manches de haut vol. “On préfère évidemment skier sous la neige que la pluie mais ça fait partie du métier et à la fin, on s’adapte, a relativisé le skieur d’Hérémence, qui a fait montre une nouvelle fois de régularité. Je suis content d’avoir réussi à tirer mon épingle du jeu sur cette piste compliquée où il faut parvenir à créer de la vitesse. C’est de bon augure pour dimanche, j’ai de bonnes sensations.”

Si le vainqueur du parallèle de l’an dernier sur cette même piste souffre entre les manches de la tête et des yeux – selon ses dires – après avoir pris un piquet dans le nez à Schladming, il n’est pas gêné en course. La nuit porte conseil, mais l’analyse vidéo devrait également être d’une grand aide pour l’ambitieux Valaisan. “En première manche, j’ai commis quelques petites erreurs sur le haut du parcours, a-t-il avoué. On va analyser ma façon de skier à la vidéo et essayer de changer pour demain. Il faudra fait les petits changements nécessaires pour jouer devant. J’ai l’habitude de faire deux jours de course en un week-end. Je vais essayer de saisir cette opportunité.”

Daniel Yule meilleur que Tanguy Nef

Si les trois meilleurs Suisses du jour ont fait un pas en direction des Championnats du monde, l’excellent bilan helvétique est complété par la 15e place de Daniel Yule, la 21e de Tanguy Nef et la 26e de Marc Rochat. Parti avec le dossard 15, pour la première fois hors du top 7 depuis plus de trois ans Daniel Yule a assuré l’essentiel, sans parvenir à jouer les premiers rôles, comme il s’y attendait.

“En partant autour du 15 en première comme en 2e manche, ce n’était pas idéal, a déclaré l’homme au bonnet vert, prêt à “repartir au combat”. J’ai eu quelques bonnes sections mais j’ai commis une ou deux fautes qui me coûtent très cher. Les conditions étaient très compliquées, mais c’est les même pour tout le monde. Les trois meilleurs de la première manche ont fini sur le podium donc à ce niveau-là, il n’y a rien à dire. Il faut jouer avec les cartes qu’on nous donne et aujourd’hui je me suis défendu correctement.”

Marc Rochat: “Ma place est dans les 30”

Son top 15 lui permet de conserver sa longueur d’avance sur Tanguy Nef, dans la lutte pour l’une des quatre places pour Cortina d’Ampezzo. “Il fallait peut-être prendre plus de risques en première manche pour être tout devant, quitte à faire une grosse faute et se retrouver en fond du classement et pouvoir s’élancer parmi les premiers de la seconde, a relevé le Genevois, qui skiera probablement différemment dimanche. Ce ne sont pas des conditions que j’affectionne mais je m’en sors relativement bien.”

Extraordinaire 16e après la première manche sur une piste qui était déjà bien abîmée, Marc Rochat n’a pas eu de chance en partant à nouveau sur un second tracé passablement dégradé. “Honnêtement, je ne pense pas avoir fait une mauvaise deuxième manche mais le rail était un peu moins propre. C’était très mouillé, regrette-t-il. Quand tu pars au milieu du peloton, tu te fais avoir. Dès la première porte, le piquet frappe l’eau et tu prends un jet dans les lunettes. L’eau et le sel t’arrosent. Ensuite, tu ne vois plus rien. C’est compliqué, c’est la bagarre. Aujourd’hui, j’ai perdu une bataille mais pas la guerre. Je prouve que ma place est dans le top 30.” Il n’est désormais plus qu’à un petit rang d’intégrer le top 30 de la liste de départ. “Je skie bien, en étant constant se réjouit le Vaudois. C’est justement ce que j’ai cherché ces dernières années. Il le faut pour percer en Coupe du monde.”

Laurent Morel, Chamonix