Vendredi midi, Noémie Kolly range son sac et s’apprête malheureusement à regagner la Suisse. Ce n’est pas encore cette semaine que la Fribourgeoise pourra rechausser ses lattes sur une piste de Coupe du monde. L’entraînement annulé de la descente de Sankt Anton, malgré un temps découvert, a provoqué, par effet boule de neige, l’annulation de la descente autrichienne samedi, course qui sera remplacée par un super-G. “Ce n’était pas prévu que je participe au super-G”, regrette la skieuse de La Berra. “Cette piste de Sankt Anton est belle, technique, comme je les aime. J’aurais souhaité la tester au moins à l’entraînement, cela m’aurait permis d’avoir une bonne indication sur mon état de forme.”

Noémie Kolly doit prendre son mal en patience. Deux mois après son opération d’une hernie discale, elle espérait skier sur la piste de l’Arlberg avec l’espoir de s’aligner pour la première fois depuis dix mois sur une descente de Coupe du monde. “Je fais ce sport pour faire des courses, les entraînements, ça va un moment. Je me suis entraînée tout l’été et tout l’automne, mais j’ai manqué la moitié de la saison.” Malheureusement, la vice-championne du monde juniors 2019 de descente s’est blessée lors d’une chute mi-octobre à Zermatt, touchée à un genou, à une cheville et à un poignet. Après deux semaines d’immobilisation, son dos lâche lors de son retour sur la neige après quatre portes de géant. “Je ne pouvais plus marcher, j’étais totalement bloquée. Malgré une semaine de physio intensive, j’avais toujours autant mal au dos.” Une IRM, la veille du départ pour la tournée nord-américaine, confirme le verdict de l’hernie discale.

Une progression freinée et des objectifs en attente

Un mois après ce coup d’arrêt et un passage sur le billard, Noémie Kolly était de retour sur la neige. D’abord en ski libre à Zinal, puis à l’entraînement en géant et en super-G, la Gruérienne a retrouvé progressivement ses marques et ses sensations. “Je n’ai presque plus mal au dos aujourd’hui. J’ai bientôt récupéré toute ma mobilité, je suis contente. Cela va bien, mais, il me manque simplement des jours de ski pour retrouver la confiance”, rassure-t-elle.

Toujours est-il que cette blessure a freiné la progression d’une athlète qui se trouvait aux portes du top 30 dans les disciplines de vitesse et qui se montrait ambitieuse avant ce nouvel hiver. “J’avais plein d’objectifs en tête par rapport à d’habitude.” Après avoir goûté aux Jeux olympiques de Pékin il y a une année, la skieuse souhaitait se qualifier pour les Championnats du monde de Courchevel/Méribel, mais aussi intégrer les cadres A de Swiss-Ski. “Je n’étais pas loin des trente en descente et en super-G. Un bon résultat me suffisait, mais là je vois mes points WCSL (ndlr: les points de la starting list) diminuer sans courir.”

“Une blessure difficile à gérer mentalement”

Si la déception de manquer la moitié de saison était légitime pour Noémie Kolly, elle se montrait extrêmement heureuse de retrouver le groupe élite à Sankt Anton. “Je suis super contente car lorsque tu es blessée, tu te sens un peu à part.” Mentalement, cette blessure a été “difficile” à gérer pour la jeune skieuse qui s’est refusée d’allumer son poste de télévision lors des courses de vitesses féminines. “J’ai regardé les gars et la technique, mais je n’arrivais pas à suivre les autres courses, notamment Saint-Moritz. je crois que c’est une réaction normale lorsque l’on est une athlète. J’ai déjà eu un accident avec mon genou droit, également avec mon dos par le passé, mais cette blessure sort de nulle part.”

La Gruérienne s’estime aujourd’hui à 85-90% de ses capacités, même s’il est difficile pour elle de se jauger complètement. “À l’entraînement, même avant ma blessure, je n’étais jamais à 100%.” Le jour J, Noémie Kolly parvient cependant à hausser son niveau, grâce à l’adrénaline de course et donner la pleine mesure de son talent. L’annulation de l’entraînement vendredi en Autriche a ainsi été un coup dur. “Je ne suis alors toujours pas totalement sure d’être en mesure de pouvoir prendre un départ en descente.”

Ski ou ne pas skier en compétition, telle est la question

Et pour la skieuse de 24 ans, il n’est pas question de pousser un portillon en compétition, que ce soit en Coupe du monde ou en Coupe d’Europe, sans être certaine qu’elle puisse être capable de claquer un résultat. La faute a un règlement aussi compliqué qu’alambiqué concernant les fameux points FIS, lui permettant de porter un numéro de dossard avantageux après le top 30 mondial. Ainsi Noémie Kolly et ses coaches se livrent chaque jour à des comptes d’apothicaires. En effet, si la Fribourgeoise venait à prendre le départ d’une course, elle pourrait perdre, en cas de contre-performance, de précieux points qui lui sont temporairement gardés par son statut de blessée.

Il existe alors l’éventualité d’une saison blanche. “Il y a beaucoup de discussions, car ce statut est compliqué”, poursuit Noémie Kolly. “Je suis une athlète, j’ai envie de faire des courses, mais je dois penser à l’avenir aussi, à la saison prochaine.” Ses entraîneurs craignent qu’elle brûle les étapes, qu’elle ne soit pas aussi performante que souhaité en compétition et que, sans résultat probant, elle plonge dans les listes de départ. “Ce sont plein d’éléments à prendre en compte et dont je ne m’étais pas imaginée lorsque je me suis blessée.”

Prochaine étape: Cortina d’Ampezzo

Ainsi, la Fribourgeoise se “prépare mentalement” à ne pas skier en Coupe du monde cet hiver. “Je dois me faire à cette idée. Mais c’est frustrant, car ce n’est pas comme avec une blessure au genou où tu ne peux pas skier. Là, je suis présente, je suis sur les skis à l’entraînement, mais il y a ce statut…” Elle ne perd toutefois pas espoir pour autant. Noémie Kolly va prendre, en début de semaine prochaine, la direction de Cortina d’Ampezzo où deux descentes seront au programme. Elle participera aux entraînements dans les Dolomites. “Je dois prendre jour après jour, rester calme et patiente.”

Avec l’espoir dans une semaine, points FIS ou non, de retrouver enfin cette Coupe du monde qui lui manque tant.

Johan Tachet, Sankt Anton