Il était un peu plus de 19h20 mercredi lorsque le président de la FIS Johan Eliash a ouvert l’enveloppe contenant le nom de Crans-Montana, officialisant la tenue des Championnats du monde de ski alpin 2027 sur le Haut-Plateau. Au moment du verdict, c’est toute la station du Haut-Plateau qui s’est levée comme un seul homme dans la foulée de Marius Robyr, le directeur exécutif du Comité de Candidature.

Cette désignation couronne de longues années de travail pour faire de Crans-Montana, le nouveau centre mondial de la fête du ski, quarante ans après les extraordinaires Championnats du monde 1987. Du retour sur le circuit de la Coupe du monde en 2008 à cette élection, la station et ses protagonistes n’ont pas chômé. Pour le plus grand bonheur de Marius Robyr qui analyse ce succès et qui se plonge d’ores et déjà dans l’organisation de ces Mondiaux.

Marius Robyr, vous avez bondi de votre chaise au moment de la désignation de Crans-Montana comme station hôte des Championnats du monde de ski 2027. Que d’émotions!

C’était un moment très fort, j’étais très ému. Je sais la somme de travail que l’on a mis pour présenter un dossier de qualité. Et c’est ce dernier moment, quand le président de la FIS (ndlr: Johan Eliash) a mis trois ou quatre secondes avant de donner le nom de la station organisatrice… Ce moment, je n’arrive pas à décrire, c’est ce qui m’a fait sauter de joie et lâcher quelques larmes.

C’est d’autant plus beau qu’avant le vote, personne ne savait réellement si Crans-Montana allait être choisie au détriment des autres candidats.

On savait que l’on avait une bonne cote, que le dossier avait été apprécié, tout comme les newsletters envoyées. Devant les experts, on avait fait tout juste, on a fait un bon travail de lobbying également. Mais on a tellement eu de déceptions par le passé, je pense aux Jeux de 2006 notamment, et on se demande, si tous les membres du Conseil disent la vérité lorsqu’ils nous certifient leur soutien. Si on m’avait dit avant le scrutin que l’on allait gagner au premier tour (ndlr: Crans-Montana a obtenu 11 voix, contre 3 pour Andorre et Narvik, et 1 pour Garmisch-Partenkirchen), jamais je n’aurais cru. Et là, je vois que ceux qui ont voté ont respecté leur promesse.

A Crans-Montana, on a fêté la victoire. (Hervé Deprez)

C’est également une petite revanche par rapport à la candidature de Sion 2026 qui avait été rejetée par le peuple valaisan?

Je ne veux pas dire « petite revanche ». Mais nous nous trouvions dans une spirale négative qu’il fallait corriger. Il s’agissait de montrer que le Valais a tout pour organiser des grands événements.

Le film de candidature de Crans-Montana 2027 a été plébiscité de toute part. Il a notamment été porté par la double championne olympique Michelle Gisin.

Michelle est une fille tellement extraordinaire, qui nous a rendu un service extraordinaire. Quelqu’un qui a visionné le film m’a dit que l’on avait touché absolument juste, car Michelle apporte tellement, grâce à son sourire, à sa gentillesse, à tout. Je serai le premier d’accord, si elle n’est plus athlète en 2027, qu’elle soit présente dans le comité d’organisation.

Cette vidéo a aussi été marquée par la présence d’un certain Roger Federer.

Je sais pas si sa présence a fait changer certains votes, mais elle a marqué. Avoir à la fin Federer, avec cette image symbolique de Federer qui appelle Michelle (Gisin) et lui demande comment ça va, c’était magnifique. On a fait un grand coup.

La vidéo de candidature de Crans-Montana:

Est-ce le plus beau succès de votre carrière en tant que dirigeant sportif?

Absolument. Car on s’est battus. Ce n’était pas évident. En 2008, nous avons dû nous battre pour récupérer des courses de Coupe du monde. D’abord, nous les avons organisées une année sur deux. On s’est ensuite battus pour les avoir chaque année et qu’elles deviennent une classique. On s’est battus pour avoir les hommes en 2013. Le super-G avait été extraordinaire. Et je sais que les hommes aimeraient revenir. Puis, le grand objectif était de recevoir les Championnats du monde. On s’était lancé pour 2025, sachant pertinemment que nous n’avions aucune chance en se présentant pour la première fois contre Saalbach-Hinterglemm, même si on avait déjà présenté un très bon dossier. 2027, c’était l’année phare. La seule solution, c’était de les avoir 40 ans après ceux de 1987.

Quel a été votre moteur pour vous lancer dans la quête des Championnats du monde?

Deux choses. La première, j’ai vécu ces Championnats du monde en 1987 comme jeune organisateur et j’ai tellement de souvenirs extraordinaires. Une ambiance de feu pendant deux semaines et le dernier jour, on pleurait tous comme des gamins car c’était fini. Nous avons pu vivre cela, et je souhaite maintenant que la jeunesse de Crans-Montana, du Valais, puisse aussi le vivre. La seconde, j’aime tellement la station et le canton, qu’il était important d’avoir un grand événement pour unifier à nouveau toute la population, pour remettre à jour les infrastructures, et avoir des Championnats du monde de grande qualité. Nous l’avons promis dans le dossier et nous sommes obligés de le faire. Ça va booster tout le monde.

Comment expliquer que Crans-Montana ait connu un creux après les Championnats du monde de 1987?

Les Mondiaux de 1987 étaient un succès incroyable au niveau organisationnel et sportif. Et après, j’ai l’impression que nous nous sommes endormis sur nos lauriers. Crans-Montana était connu dans le monde entier, les clients arrivaient… On s’est laissé aller. On s’est rendu compte que l’on n’était plus en phase avec l’organisation de compétitions de ski. Lorsque la FIS est venue voir les pistes au moment où nous avons repris les courses de Coupe du monde, ils m’ont ri au nez, m’expliquant que ce n’était plus comme en 1987. Maintenant, c’est du carving… Là, on a fait une erreur et on aurait dû continuer. Et si cela avait été le cas, le géant d’Adelboden aurait très certainement été chez nous. Mais comme on a laissé tomber, Adelboden en a profité et, c’est une bonne chose, car le géant est magnifique. Nous avions cru que le succès allait perpétuer tout du long, mais tout passe extrêmement vite et il a fallu recommencer à zéro.

Les Mondiaux de 1987 avaient été une vraie réussite sur le Haut-Plateau. (DR)

Ça vous tenait à coeur de relancer le ski de compétitions à Crans-Montana?

Totalement. Lorsque les communes m’ont demandé de reprendre l’organisation, j’ai posé deux conditions. La première, d’avoir les mains libres. La seconde était de présenter uniquement le budget et les comptes. Et je leur tire mon coup de chapeau, car nous avons eu des réunions pour refaire la piste de la Nationale, des millions pour refaire la piste des dames, et les communes ont toujours été derrière. C’est un plaisir de voir que les gens vous soutiennent.

Quelle est votre plus grande fierté dans ce projet?

La fierté, c’est de dire que je n’ai jamais entendu quelqu’un sur le Haut-Plateau dire: « on ne veut pas des Championnats du monde ». Certaines personnes étaient sceptiques, mais jamais contre. Par le biais de ce projet, nous avons réussi à réunir, souder la population à nouveau, Tout le monde tire dans la même direction. Ensuite, on a réussi à réunir les communes, les remontées mécaniques, les hôteliers, et pour moi c’est fondamental. C’est cette union qui va faire la force des Championnats du monde.

Les pistes sont désormais prêtes. Il ne manque plus que le stade multifonctionnel et moderne promis dans le dossier de candidature…

Il n’y a pas 50’000 variantes. Il n’y en a qu’une et elle doit démarrer rapidement. Cinq ans, cela passe très très vite. Il suffit d’une ou deux oppositions. De mon côté, je vais pousser à fond pour que le stade soit mis à l’enquête publique avant la fin de l’année. Du moins, la partie qui concerne le stade. Il va falloir discuter avec les gens dans le secteur, pour ne pas avoir d’opposition. On sait pertinemment, qu’en cas d’opposition on fait face à deux ans de procédure et l’on n’avance pas. Il faut présenter aux gens le projet, les écouter, accepter leurs remarques, et voir comment nous pouvons les régler pour éviter ces oppositions. Mais maintenant, on doit aller très vite vers l’avant.

Le nouveau stade moderne et multifonctionnel doit rapidement être mis à l’enquête. (Tomasponti/DR)

La fête promet d’être belle à Crans-Montana.

Elle le sera. Il y aura beaucoup d’animations, notamment par les jeunes. J’aimerais surtout que les jeunes apportent leurs idées. Car nous faisons ces Mondiaux pour eux. Je veux ausi mettre un peu la pression sur les athlètes (rires). Avec l’équipe que l’on a, on ne peut qu’avoir des succès incroyables, notamment avec les Valaisans, Aerni, Yule, Meillard, Murisier, Zenhäusern… qui seront encore là. Et chez les dames, c’est la même chose. Ce n’est que du pain béni.

Et vous souhaitez que ces Championnats du monde concernent tout le Valais et pas uniquement Crans-Montana.

Tout à fait. Je ne veux pas de Mondiaux juste à Crans-Montana. Les autres stations et le canton du Valais doivent être parties prenantes. Je prends un exemple: les athlètes doivent s’entraîner, des épreuves de qualifications, des tests doivent être organisés. On possède des stations toutes proche comme Zinal, Nendaz, Veysonnaz ou Zinal, et il y a tout pour bien faire. On ne veut pas non plus bloquer l’ensemble du domaine et tout faire à Crans-Montana. On aimerait impliquer plusieurs stations qui jouent le jeu. C’est Crans-Montana/Valais, et j’y tiens énormément.

Lors de chaque course, 20’000 spectateurs seront attendus au pied des pistes du Mont Lachaux et de la Nationale. (DR)

Vous étiez le directeur exécutif du comité de candidature. Quel sera votre rôle pour ces Championnats du monde?

Honnêtement, je n’ai pas réfléchi. J’ai un âge certain. J’ai atteint mes objectifs que je m’étais fixés dont le dernier d’avoir les Championnats du monde. Il faudra discuter très rapidement avec Swiss-Ski, les remontées mécaniques de CMA, les communes, le canton et que l’on joue cartes sur table. Très rapidement, il va falloir nommer les postes clés de l’organisation. Une chose est certaine, par rapport à 1987, Swiss-Ski sera beaucoup plus impliqué dans l’organisation.

D’ailleurs, c’est Swiss-Ski qui aura le lead dans l’organisation.

Indirectement. Ä l’image de ce qui se fait à Lenzerheide pour les Mondiaux de biathlon en 2025. Le patron de l’organisation est un membre de Swiss-Ski, Jürg Capol. Donc il faudra discuter car Swiss-Ski va jouer un rôle important. Après, ils ne peuvent pas non plus tout diriger, sachant qu’ils sont à Berne. Il doit avoir une symbiose entre le Valais et Swiss-Ski. J’aimerais qu’il y ait le plus possible de gens qui connaissent la région, qui sont déjà impliqués, qui puissent faire partie du projet. Ce serait ridicule de dire, vous avez travaillé brillamment jusqu’à maintenant, mais on prend d’autres personnes.

Johan Tachet, Crans-Montana