Samedi matin, même si les milliers de drapeaux suisses ne flotteront pas dans l’aire d’arrivée de Saint-Moritz, plusieurs skieuses helvétiques ont le potentiel de hisser bien haut l’étendard helvétique lors des deux super-G (normalement) prévus au programme ce week-end. Corinne Suter, tenante du Globe de cristal de la spécialité, Lara Gut-Behrami, Joana Hählen, Wendy Holdener, Michelle Gisin, voire Priska Nufer et Jasmine Flury peuvent légitimement viser le podium. Cela faisait un moment que l’on avait plus vu une telle hégémonie dans l’équipe de vitesse féminine suisse. Près d’une décennie, pour être précis.

Retour en arrière. Nous sommes à la fin des années 2000 et au début des années 2010. Nadia Styger, Fränzi Aufdenblatten, Nadja Jnglin-Kamer, Dominique Gisin, Fabienne Suter et Lara Gut forment une équipe compétitive sur le Cirque blanc et trustent les podiums. Puis, progressivement, les leaders de l’époque ont pris leur retraite et les résultats se sont fait ressentir. “La vitesse est une question de génération”, explique Hugues Ansermoz qui était en charge de l’équipe de Suisse de vitesse lors de cette époque dorée. “C’est également une question de blessures. Les entraîneurs ont aussi décidé à un moment donné de mettre moins de jeunes en descente et en super-G. Il est arrivé que les camps de vitesse, comme ceux organisés annuellement par Swiss-Ski début septembre, ont été annulés. Dès lors, c’est toute la relève qui est péjorée.” Une relève qui a alors peiné à pointer le bout de ses spatules au plus niveau. “Il y a quelques saisons en Suisse, on devait demander à des filles de NLZ de compléter le groupe de vitesse de Coupe du monde. Ou encore, certains entraîneurs y plaçaient des skieuses qui n’avaient, en fait, pas le niveau en technique.”

Lara Gut-Behrami, l’arbre qui a caché la forêt durant plusieurs saisons

Fabienne Suter et surtout Lara Gut-Behrami font alors figure d’arbres qui cachent la forêt. Mais leurs performances permettent de maintenir l’équipe de Suisse de vitesse à flot. “D’une certaine manière, je suis contente d’avoir réussi à pousser l’équipe durant les années où je skiais vite”, lance la Tessinoise qui est sur le circuit depuis maintenant 12 ans. “Le ski reste un sport individuel et naturellement, tu cherches à t’inspirer des autres pour skier vite.” Dans le sillage de la skieuse de Comano, au moment où Fabienne Suter range à son tour les skis, la Suisse a vu éclore son homonyme, Corinne Suter. La lauréate des Globes de cristal de descente et de super-G l’hiver dernier corrobore d’ailleurs les propos de Lara Gut-Behrami. “Chacune est concentrée sur ses propres performances. Durant la préparation physique estivale, nous sommes seules pour nous ajuster pour l’hiver. Une fois que l’on retouve la neige, par contre, il est agréable de s’appuyer sur des points de comparaisons.

L’émulation permet alors à toutes les skieuses de progresser au sein de l’équipe de Suisse. D’ailleurs, pour Hugues Ansermoz, “l’explosion de Corinne Suter a été un élément-clé” dans la progression collective. Puisqu’aujourd’hui, Lara Gut-Behrami et Corinne Suter ne sont plus seules à tenir le drapeau. Les techniciennes Wendy Holdener et Michelle Gisin, se sont lancées, avec succès, en vitesse, alors que Johanna Hählen, Jasmine Flury et, dans une moindre mesure, Priska Nufer, ont profité des locomotives pour s’affirmer à leur tour et, désormais, également jouer les premiers rôles en descente et en super-G. “Avoir des athlètes de pointe et accumuler de l’expérience ont été des facteurs très importants dans notre progression”, concède notamment Johanna Hählen.

Une nouvelle “Dream Team” helvétique

Pour Michelle Gisin, c’est “le travail de plusieurs années” qui paie. Mais si les Suissesses sont performantes, il est encore trop tôt pour la petite soeur de Dominique de parler de “Dream Team”, en se référant au documentaire “The Last Dance” consacré aux Chicago Bulls de Michael Jordan. “Dream Team est un sacré mot. Ceux qui ont regardé Netflix ont vu que c’était un niveau supérieur. Mais si on réalise la saison parfaite, peut-être qu’on en parlera”, rigole-t-elle.

Ce week-end à Saint-Moritz, derrière les têtes d’affiche, Delia Durrer aura le rôle de néophyte. La sélection de la Nidwaldienne, qui a participé aux Jeux olympiques de la Jeunesse l’hiver passé, est également un signe que la relève n’est pas oubliée. “Il ne faut en tout cas pas négliger la formation”, rappelle Hugues Ansermoz qui exorte les coachs à poursuivre leur travail en vitesse entamé avec les jeunes athlètes. “Nous devons profiter des infrastructures que nous avons à Saas-Fee et à Zermatt l’été, ainsi qu’à Zinal l’hiver. Nous sommes gâtés en Suisse en termes d’infrastructures.”

Afin de faire perdurer l’héritage des Marie-Thérèse Nadig, Maria Walliser, Michela Figini, Chantal Bournissen, Lara Gut-Behrami et Corinne Suter, au firmament de la vitesse mondiale.

Johan Tachet/LMO, Saint-Moritz