Lorsque l’on parle de la Belgique en sport, on fait immédiatement référence aux Diables rouges, l’équipe de football, à plusieurs joueuses de tennis à succès comme Clijsters ou Henin, et surtout à ses champions de cyclisme d’Eddy Merckx à Philippe Gilbert. Au Plat pays cher à Jacques Brel où, la petite reine est roi et où le plus haut sommet “culmine” à 694 mètres, difficile dès lors d’imaginer qu’un jeune skieur belge régate parmi les meilleurs slalomeur du monde. 

Et pourtant, à 23 ans, Armand Marchant s’est installé depuis deux saisons dans le top 30 mondial des virages courts. Il y a un mois, aux Championnats du monde de Cortina, le skieur né à Thimister a pris un excellent 10e rang. Un exploit loin d’être isolé puisqu’il avait notamment terminé 5e du slalom de Zagreb la saison dernière. “J’ai prouvé que j’avais les capacités pour être devant. Maintenant, je dois être capable de faire plus souvent deux belles manches”, glissait-il dans l’aire d’arrivée des Dolomites. 

En tournée en Suisse dans un camping-car comme Bode Miller

Et le jeune talent du ski belge a les moyens de ses ambitions. Sur ses lattes, c’est en Suisse qu’il s’est épanoui pour devenir l’athlète qu’il est aujourd’hui. Il réalise tout d’abord ses gammes au sein du ski-club de Martigny. “Je me rappelle que ma première course était le GP Migros aux Crosets”, se marre Armand Marchant qui écumait, en camping-car familial tout le Valais et l’ensemble de la Suisse pour s’entraîner et disputer des courses pour jeunes. “On se la jouait comme Bode Miller.”

Sept opérations au genou

Il participe à sa première Coupe du monde à 17 ans en  2014 à Alta Badia, tout en faisant ses armes en Coupe d’Europe. Il marque ses premiers points lors du slalom de Val d’Isère deux ans plus tard, quelques semaines avant de subir une grosse blessure lors du géant d’Adelboden. Fauché en pleine ascension, Armand Marchant n’est pas du genre à baisser les bras, là où certains auraient rangé les spatules au placard après les sept opérations qui s’ensuivent. Mais besogneux et déterminé, il a cravaché pour revenir encore plus fort. 

Pour son retour en Coupe du monde il y a quinze mois, le phénix du ski belge entre lors de ses quatre premiers slaloms dans les points jusqu’à signer le meilleur chrono sur la deuxième manche de l’épreuve de Zagreb et réaliser sa meilleure performance en carrière avec sa 5e place.

Ski le matin, sponsoring l’après-midi

Ce ne sont pas des exploits, mais plutôt la confirmation d’un talent qui va lui permettre de renouer avec ses racines suisses. La station d’Anzère, par l’entremise de l’ancien coach des descendeurs et slalomeurs helvétiques Bertrand Dubuis, approche Armand Marchant. “Une superbe rencontre” assure le Belge qui ne pouvait rêver d’un meilleur partenariat. “Franchement, ça a de la gueule d’être soutenu par une station suisse. Ca n’a pas de prix pour moi. Ils me facilitent tout, de la préparation des pistes au logement en passant par la nourriture” 

Une aide bienveillante et bienvenue pour le jeune belge qui doit se débrouiller seul pour dénicher des sponsors lui permettant de poursuivre sa passion sur la neige. “L’été, je m’entraîne le matin et je fais du sponsoring l’après-midi. Une saison coûte beaucoup de ronds, il faut compter une somme à six chiffres. Mais cela me responsabilise. C’est pour cela que l’histoire est belle et elle me motive à aller de l’avant.”

A Anzère, sur les traces de ski de ses ancêtres belges

Dans la station valaisanne, créé par des Belges au début des années 70, on a rapidement été conquis par l’athlète wallon. “Nous sommes des gens passionnés de ski et nous avons été touchés par son histoire. Il est non seulement un talent, mais également un gros bosseur”, explique Bertrand Dubuis, aujourd’hui directeur d’exploitation de TéléAnzère. “Ses qualités de travailleur, son parcours, sa combativité font d’Armand Marchant un beau modèle qui nous permet également de tisser un lien entre Anzère et la Belgique.” 

Armand Marchant est un fier ambassadeur de la station valaisanne d’Anzère. (SkiActu)

Sur la rive droite du Rhône, Armand Marchant se sent “comme à la maison”. “Tout le monde y respire le ski. Ils sont à fond derrière moi. Quand je vais à la pizzeria du coin, ils me félicitent. Je rentre à l’hôtel, le gars à l’accueil me dit bien joué. Le mec du télésiège également. C’est top de se sentir supporter par ses sponsors et encore plus par les gens de la station.”

“Une personnalité humble comme Défago”

Le skieur n’hésite pas non plus à demander conseils à Bertrand Dubuis, en lui transmettant ses vidéos. “Il a souvent les mots justes.” Pour le Valaisan qui compare le Belge à son ancien protégé Didier Défago de par sa personnalité – “Un gars humble, naturel, sans ego et proche de la nature comme toute sa famille. C’est le genre de personnes qui sont boostées quand tu leur montres de l’affection” –, Armand Marchant possède une grosse marge de progression. “Il a un potentiel, physiquement il est bien bâti. Je vois des choses géniales à l’entraînement. On en discute beaucoup avec son entraîneur Raphaël Burtin. J’essaie aussi de lui apporter mentalement, avec mon expérience parfois la pilule passe mieux.”

Une petite structure à développer

S’il peut bénéficier de conditions idéales à Anzère rien n’est jamais facile pour un athlète skiant pour une petite fédération qui se développe progressivement avec ses moyens et qui vient tout juste de s’associer avec la station valaisanne. Sa petite structure comprend un entraîneur, l’ancien skieur français Raphaël Burtin, et un kiné qui le suivent partout. Ses skis, il s’en occupe seul avec son coach, lorsque d’autres athlètes, tels que les Suisses ont chacun leurs lattes chouchoutées par un serviceman personnel. C’est d’ailleurs avec l’équipe helvétique de slalom que le Belge s’entraîne parfois. “Quand tu commences à avoir un petit nom dans le milieu, ça aide un peu. Ils t’acceptent volontiers quand tu as de bons résultats. Mais il ne faut pas non plus que tu en aies de trop bons”, rigole-t-il. “Mais du coup, c’est bénéfique pour tout le monde car j’apporte deux membres de staff qui aident aussi à tracer, lisser ou filmer.”

Dans un coin de la tête, Armand Marchant rêve déjà des Jeux olympiques de Pékin l’hiver prochain, où il espère que “la magie des Jeux peut opérer”. Un belge sur un podium olympique de ski alpin, cela ne semble plus aussi utopique que cela. Mais en attendant les JO, c’est à Kranjska Gora ce week-end que le slalomeur du Benelux, qui commence gentiment à se faire une petite réputation dans son pays, entend affirmer son retour au premier plan. “J’ai eu un début de saison compliqué où on ne trouvait pas les bons réglages. Là, toutes les pièces du puzzle commencent à s’assembler. Je sais que je peux désormais jouer un jour le podium.”

Johan Tachet, de retour de Cortina d’Ampezzo