La crise existentielle se poursuit en Autriche avec une seule victoire en 23 courses cette saison, tandis que le saut à ski se tourne vers de nouveaux horizons: tout cela et plus dans ce cinquième numéro de Servus Österreich.

“Ce n’est pas satisfaisant. Nous sommes une fédération de ski qui promeut le sport d’élite. Nous nous sommes engagés dans le sport de haut niveau et non dans le sport uniquement par beau temps. Et certainement pas le sport amateur”, a lancé le directeur financier de la fédération autrichienne de ski (ÖSV) Patrick Ortlieb dans un entretien à Servus TV. En 23 courses de ski alpin, les Autrichiens et Autrichiennes n’ont récolté qu’une victoire et neuf podiums, alors même qu’ils ont souvent le plus grand nombre de skieurs au départ. Pire encore, à plusieures reprises, pas un ou une seule athlète n’arborait le drapeau rouge-blanc-rouge dans le top 10.

Les skieurs autrichiens seraient “trop gâtés, pas assez féroces, pas assez avides”, analyse l’ancien champion olympique. “Peut-être qu’il faut réduire la zone de confort, réduire la taille des équipes, réduire le nombre d’entraîneurs. C’est tout de même presque embarrassant de voir avec quel staff on voyage”, a-t-il noté, en se comparant avec d’autres équipes à succès. “On voit bien que l’argent ne fait pas le succès.”

Patrick Ortlieb reconnaît toutefois que la fédération elle-même pourrait repenser les méthodes de repérage de jeunes talents. L’Autriche se distingue en effet par le nombre de skieurs issus de familles d’ex-champions. Ceux-ci bénéficient donc de soutien et d’une structure à leur plus jeune âge qui leur donne un avantage mais ne reflète peut-être pas un talent supérieur. De vrais talents encore bruts venus de l’extérieur ont plus de mal à s’imposer, a noté Patrick Ortlieb. À noter que sa fille Nina est dans l’équipe autrichienne et a fait un podium à Lake Louise.

Talent ou avantage?

La solution: une ÖSV moins rigide, selon d’anciens champions. “Les skieurs ont besoin de plus de liberté, pas d’un moule qui est le même pour tout le monde”, lance Marc Girardelli dans le quotidien Heute, en donnant l’exemple de Johannes Strolz. Écarté de l’équipe autrichienne l’an dernier, il a dû se battre pour rester dans le circuit mais a ensuite été récompensé par deux médailles d’or aux Jeux olympiques de Pékin.

Propos similaires de Rainer Schönfelder à la Kronen Zeitung: des jeunes skieurs talentueux qui ne correspondent pas à un modèle précis se trouvent souvent écartés par les entraîneurs et finissent démotivés. “Il y a certainement des choses qui peuvent être améliorées dans le ski autrichien. Nous devons commencer tout en bas: nous perdons tout simplement trop de talents chez les jeunes.”

Le saut à ski sous les tropiques?

Des tremplins dans le monde entier, des compétitions toute l’année? Alexander Stöckl, l’entraîneur autrichien des Norvégiens veut pousser le saut à ski à innover s’il veut survivre. “Je crois que c’est une bonne chose si on s’éloigne du terme ‘sport d’hiver.’ A mon avis, nous sommes un sport extrême, et c’est égal où et comment on le pratique”, a-t-il expliqué lors d’une discussion avec les médias. La saison ayant commencé plus tôt cette année, les athlètes ont débuté sur des tapis en plastique plutôt qu’un tapis blanc. Une vision à développer pour l’avenir et qui permettrait d’organiser des compétitions n’importe où dans le monde, neige ou pas neige, selon Stöckl.

“Soit nous nous appelons un sport d’hiver et nous mourons en hiver – parce qu’un jour ça n’existera plus -, soit nous nous appelons un sport extrême et nous nous ouvrons à de nouvelles destinations”, cite le quotidien Kurier. La suppression possible du combiné nordique aux Jeux olympiques provoque depuis longtemps de l’inquiétude chez les sauteurs à skis. “Nous devons continuer à développer notre sport si nous voulons survivre”, a raisonné Stöckl, cité par la Kronen Zeitung.

En vrac…

  • Cravate et robe du soir: la snowboardeuse Anna Gasser et le skieur Matthias Mayer, tous deux champions olympiques à Pékin, ont rangé leurs combinaisons sportives le temps d’une soirée mercredi pour être sacrés meilleurs athlètes de l’année en Carinthie. Chez les para athlètes, ce sont aussi deux skieurs qui se sont imposés: Elina Stary, double médaillée aux Mondiaux, et Markus Salcher, double champion du monde et double médaillé d’argent aux Jeux olympiques.
  • Soulagement autour de Jonas Rohrweck, qui a subi une violente chute pendant l’épreuve de skicross à Innichen mercredi et a dû être évacué en luge. Le skieur a subi une commotion cérébrale et a passé la nuit à l’hôpital mais se porte bien, selon la fédération autrichienne de ski.
  • Cinq top 10 en cinq courses: la spécialiste des bosses Avita Carroll enchaîne les bons résultats depuis qu’elle a décidé de changer de nationalité sportive. Née aux États-Unis, elle a annoncé cet été qu’elle représenterait dorénavant l’Autriche, pays d’où venaient ses grands-parents, grâce à une loi autrichienne permettant aux descendants de victimes des nazis d’obtenir la nationalité. Depuis, Avita Carroll a fait un bond dans les classements. À l’Alpe d’Huez samedi elle a réussi son meilleur résultat en Coupe du monde, une 4e place. Un podium ne saurait tarder.
L’Autrichienne Avita Carroll et l’Australienne Jakara Anthony pendant le ski de bosses parallèles à l’Alpe d’Huez. (Paul Brechu/Zoom)

Sim Sim Wissgott, Vienne