Comme lors de la plupart de ses courses en Suisse, Lara Gut avait convoqué les médias pour faire le point. Le rendez-vous de Lenzerheide revêtait une importance toute particulière ce jeudi, puisqu’il s’agissait de l’un des derniers avant les Jeux olympiques. Accompagnée de son attachée de presse et amie Giulia Candiago, la Tessinoise est apparue souriante et loquace, même si elle ne réussit pas encore tout ce qu’elle souhaite sur les skis. Extraits.

Lara Gut, vous restez sur une victoire et allez portez le dossard rouge en super-G. Comment vous sentez-vous?

C’est clair que c’est agréable, même si je ne vais pas porter le dossard rouge ce week-end (ndlr: pas de super-G au programme) mais à Crans-Montana en revenant de Corée du Sud. Ça fait du bien de savoir que je peux gagner à nouveau. Revenir à Lenzerheide, ça fait aussi très plaisir. J’ai d’excellents souvenirs ici (elle a gagné 2 fois et a signé 6 podiums). Je suis chanceuse et contente d’être déjà aussi rapide. Sinon, je me projette sur le combiné de demain. Après le super-G, je vais devoir prendre part au slalom (grimace)… Mais je fais un pas après l’autre et j’ai un bon sentiment.

Justement, combien de jours de slalom avez-vous dans les jambes?

(Moue). C’est compliqué de s’entraîner dans cette discipline en hiver avec le programme très chargé. Cette année, je me suis plutôt concentrée sur le géant parce que c’est plus important pour moi. J’ai pu m’entraîner deux jours en slalom la semaine dernière mais bon… Je connais la piste ici et je vais juste essayer de faire de mon mieux et profiter. Je ne vais pas partir en me disant que je ne me suis pas beaucoup entraînée mais en me disant que je peux être rapide.

Le géant représente-t-il une frustration pour vous en ce moment?

La dernière course était très frustrante (26e mardi à Kronplatz). Lundi, je skiais très bien à l’entraînement. Mardi, je suis arrivée très confiante, mais rien n’a fonctionné. Parfois, ça arrive. D’autres fois, c’est l’inverse qui se produit. J’essaie juste d’oublier cette dernière course. Je sais que mon niveau revient. Ça ne se voit pas encore en course, mais ça vient. Pour moi, le géant est la base du ski. Il faut de la confiance et de la consistance. Pour l’instant, je veux juste retrouver ma manière de skier d’il y a un an ou deux.

Comment va votre genou, que ressentez-vous?

Je ne sens rien, il va bien. Je n’ai jamais ressenti de douleur, c’est la chance que j’ai eu. La première fois que j’ai pu remarcher, c’était vraiment bizarre. Mais depuis plusieurs mois, je skie sans penser à mon genou. Aujourd’hui, tout devient chaque jour un peu plus naturel. Parfois, je me réveille le matin et j’ai un peu mal au dos, mais je me dis juste que j’ai mal dormi ou que c’est à cause de l’entraînement de la veille. Je ne pense pas plus à mon genou qu’à autre chose. Certains jours d’ailleurs, la seule chose à laquelle je ne pense pas c’est mon genou.

 

Après votre blessure en février, vous avez annoncé que vous aviez besoin de vous protéger des trop nombreuses sollicitations des médias, des sponsors. Comment cela se traduit-il?

Désormais, j’ai Giulia avec moi. Elle m’aide beaucoup car il se passe beaucoup de choses dans les coulisses du circuit. Je ne parle pas que du ski. A l’arrivée, tu dois te vider la tête, trouver des réponses, être gentille avec les gens. Ça demande du travail. Tu ne peux rien faire toute seule. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux et Internet, dès que t’es dans l’aire d’arrivée tes mots sont déjà en ligne.

La relation avec les médias, c’est quelque chose qu’on doit professionnaliser. D’une part, on est chanceux car on est connus en Suisse, le ski est important. Mais souvent, on est perdus. On doit se débrouiller par nous-mêmes. Pourtant, je ne m’entraîne pas tout seule, je ne skie pas toute seule, je ne choisis même pas ce que je mange toute seule, mais je dois travailler pour le marketing et la communication toute seule. Ça ne marche pas comme ça.

Cependant, l’année dernière, je suis tombée toute seule. Je ne dis pas que c’est de la faute de quelqu’un d’autre que moi. J’accepte ma responsabilité. Mais j’essaie de tout faire pour éviter d’être à nouveau dans cette situation. C’est pourquoi j’ai Giulia avec moi. Elle essaie d’assurer mes arrières. Si je skie déjà tout devant, c’est aussi parce que je ne perds pas trop d’énergie en dehors. Pour le reste de ma carrière, je veux rester concentrer sur le ski, parce que c’est ça mon job.

Vous pensez que de gérer ça de votre côté peut créer des tensions avec les autres Suissesses?

Je pense au contraire que ça les aide. Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours dû faire face à énormément de sollicitations. Ça prend de la place dans l’équipe. L’année passée, l’attaché de presse devait s’occuper de moi et des autres filles. Du coup, quelqu’un se retrouvait à chaque fois tout seul à l’arrivée. Tu ne vas pas toute seule à la reconnaissance, tu ne veux pas non plus être toute seule face aux médias. Ce n’est pas que tu ne peux pas, mais tu as besoin d’aide. Giulia prend soin de moi. La personne qui bosse pour les autres filles a plus de temps pour elles. Quelque part, je pense que c’est mieux pour tout le monde comme ça. Si on a plus de physios dans l’équipe, c’est pour qu’ils aient plus de temps avec chaque athlète. C’est pareil à ce niveau. On a toutes le même but, gagner.

Comment gérez-vous vos émotions?

J’essaie vraiment d’avoir plus de monde qui peut me comprendre autour de moi. Par le passé, je me sentais seule. Ce n’est plus le cas. Maintenant, quand je suis à l’arrivée, il y a mon père, comme toujours, mais aussi Giulia. Je peux partager des émotions avec eux. Avec le temps, j’ai compris ce qui m’aide et ce qui ne m’aide pas. C’est par exemple un non-sens pour moi d’aller directement vers les médias à l’arrivée en étant pleine d’émotions. Dans ce cas, je me renferme parfois sur moi-même et ça ne m’aide pas. Je dis des choses qui ne sont pas correctes ou je ne m’exprime pas de la bonne manière. Pour moi, le plus important est de rester moi-même. Si je sens que je dois pleurer, je vais mettre des lunettes sur mon visage pour que personne ne me voit, mais je vais pleurer quand même.

Laurent Morel, Lenzerheide