Il y a des moments qui marquent une carrière, des instants où tous les sacrifices semblent trouver leur récompense. Pour Justin Murisier, ce moment est arrivé sur la mythique Birds of Prey de Beaver Creek. Le Bagnard a signé vendredi son premier succès en Coupe du monde à 32 ans, dans la discipline reine. «Encore ce week-end, je me remémorais tout ce que j’ai vécu pour en arriver là. C’est quand même incroyable», confie le Valaisan, toujours ému.

Rien n’était gagné d’avance pour Justin Murisier, dont les 14 années au plus haut niveau ont été marquées par les obstacles. À l’image de ses nombreuses blessures qui l’ont notamment éloigné des pistes durant trois saisons. Souvent, il a dû puiser dans ses ressources mentales pour surmonter les difficultés. «Je n’ai jamais eu envie d’arrêter, car je réalisais de bons résultats dans les quinze. Mais c’est plutôt au niveau des douleurs que je ressentais. Je me demandais si j’allais être capable de continuer ainsi.» Malgré tout, le skieur de Bruson a toujours gardé foi en son potentiel. «J’ai toujours eu l’impression que j’avais ma place là où je me trouvais. J’ai toujours cru qu’un jour cela allait arriver et je n’ai jamais désespéré. Là est la clé.»

La vitesse, un retour aux sources

Son parcours est une leçon de résilience. Le Valaisan est la preuve que la persévérance finit toujours par payer. «Je n’oublie pas les galères. Cela fait partie de moi, de ma progression, de la personne que je suis devenue. Je prends cette victoire avec tout ce que j’ai vécu.»

Débarqué en tant que slalomeur sur le Cirque blanc en 2010, avant de bifurquer sur le géant, c’est en vitesse que Justin Murisier a trouvé son salut depuis maintenant trois saisons. «Depuis tout petit, j’ai toujours voulu en faire. C’est grâce au super-G que je suis rentré dans les cadres de Swiss-Ski. Je savais que j’avais l’instinct de la vitesse», explique celui qui avait été médaillé en super-G des Mondiaux juniors de Crans-Montana en 2011. Mais la transition entre les catégories juniors et l’élite mondiale n’est jamais simple. Il a su capitaliser sur son bagage technique issu du géant pour désormais exceller en descente et en super-G.

Un besogneux infatigable

Cet exploit est aussi le fruit d’un travail acharné sur le plan physique. «Justin s’est toujours battu. Il a travaillé encore et encore pour être fit», lance admiratif Thomas Stauffer, l’entraîneur en chef de l’équipe de Suisse. Le Valaisan est un perfectionniste qui ne lésine pas sur les détails. Au mois de juin, il a fait une arthroscopie au genou pour gagner en mobilité et écarter les douleurs. À côté de cela, il a également travaillé pour prendre de la masse musculaire.

L’été dernier, il s’est entouré, avec ses coéquipiers Marco Odermatt et Gino Caviezel, d’Alejo Hervas, l’ancien préparateur physique de Lara Gut-Behrami. «Mon but, c’est de skier encore quatre à cinq ans», reprend le Bagnard. «J’avais besoin d’un nouveau départ. Cela m’a fait du bien de changer, de voir autre chose, d’aller en Espagne. Oser changer fait partie du succès.» Le coach hispanique est tout aussi heureux de la collaboration avec son nouveau protégé. «Justin a une attitude fantastique. Il est très professionnel. C’est un guerrier, il n’abandonne jamais. Et je ne suis pas surpris de son succès.»

Le soutien indéfectible de William Besse

Dans l’ombre de cette réussite se trouve également William Besse. «J’ai également connu des moments difficiles. Et c’est important de se sentir soutenu», explique l’homme aux quatre victoires en Coupe du monde qui a partagé son expérience avec son cousin. «Je lui ai donné des petites combines quand il s’est lancé en descente, en lui disant de skier fin, comme un chat, sans mettre de gros travers comme il pouvait le faire parfois. Et c’est ce qu’il a superbement réussi à faire lors de cette descente de Beaver Creek.»

Clin d’œil du destin, Justin Murisier a triomphé à quelques kilomètres seulement de Vail, là où «Wills» avait remporté la dernière de ses quatre descentes de Coupe du monde, trente ans plus tôt. Et William Besse est convaincu que son successeur possède toutes les qualités pour poursuivre sur sa lancée. «Avec son bagage technique et son vécu du géant, Justin possède un avantage sur les spécialistes de vitesse.»

Une victoire qui ouvre des portes

Pour Thomas Stauffer, le sacre de son poulain est une étape importante mais pas une finalité. «Ce succès peut agir comme un déclic dans la tête. Si tu sais que tu peux gagner une course, l’approche devient différente. Il ne faut pas oublier que les meilleurs descendeurs ont plus de trente ans et progressivement Justin grandit avec l’expérience qu’il accumule en vitesse.»

Le Bagnard, lui, voit ce premier triomphe comme un tremplin. «J’ai déjà réalisé mes premiers objectifs avec d’abord un podium, puis cette victoire. Mais celle-ci m’ouvre des perspectives. En vitesse, je vois qu’il y a vraiment un potentiel pour faire de grandes choses.»

Justin Murisier vient d’entrer dans une nouvelle dimension. Et si l’histoire de ce guerrier ne faisait que commencer?

Johan Tachet, Beaver Creek