En serrant les poings et en levant les bras dans l’aire d’arrivée de la Birds of Prey ce vendredi, Justin Murisier savait qu’il avait réussi un gros coup. Parti avec le dossard numéro 3, le Bagnard n’osait pourtant pas encore y croire. Et pourtant, c’est bien lui, à 32 ans, qui allait monter sur la plus haute marche du podium de la descente de Beaver Creek.

Le skieur de Verbier aura dû patienter jusqu’à son 187e départ en Coupe du monde pour enfin lever les bras, pour enfin regarder dans le rétroviseur et se dire que les sacrifices ont payé. Car Justin Murisier n’a jamais été épargné par les galères, les blessures aux genoux ou au dos qui ont marqué ses 14 années de carrière. «J’ai attendu ce moment pendant des années. J’ai connu plein d’opérations. Je me suis battu et j’ai toujours cru en moi et en mes rêves», lance-t-il des étoiles plein les yeux.

Avec une épaule en vrac

«Les émotions sont aussi folles que fortes», avoue le Valaisan en peinant à trouver les mots avant de poser avec le célèbre aigle, emblème de la station américaine. «Je ne sais pas comment j’ai pu réaliser pareille performance.» L’exploit est d’autant plus impressionnant qu’il n’avait jusqu’ici skié qu’une seule fois en descente, en 2022 (50e), sur l’exigeante et terrible piste du Colorado et, surtout, qu’il s’était fait mal lors du premier entraînement mardi. «Je me suis sorti l’épaule. Je n’aurais pas pensé être capable de pousser aussi fort au départ. Mais avec l’adrénaline, on ne ressent rien du tout.»

Justin Murisier a été impressionnant sur la Birds of Prey. (Alexis Boichard/Zoom)

L’ancien slalomeur, devenu géantiste, puis spécialiste de vitesse sur le tard, a enfin trouvé la clé. Souvent placé, rarement chanceux, le skieur de Bruson peut enfin savourer. Alors qu’il n’était monté qu’à une reprise sur la boîte, à Alta Badia en décembre 2020, il écrit la plus belle ligne de son palmarès au terme d’une prestation XXL. «Dans le mur et la partie basse, j’ai senti que j’étais rapide. Par contre, je n’avais aucun point de comparaison sur le plat du haut.»

Et c’est sur cette section que Justin Murisier a construit sa victoire, lui qui avouait encore, il y a peu, être trop tendre sur les parties de glisse. Logique, lorsqu’on connaît son passé de technicien. Pourtant, c’est bien sur les zones plus planes de la piste du Colorado qu’il a fait la différence cette fois. «Quand j’y repense que c’était mon point faible ces dernières années et c’est là que je gagne la course mine de rien.»

Des bombes aux pieds et les compliments du maître

Le Bagnard doit une fière chandelle à son serviceman qui lui a préparé des bombes sous les pieds. Sur ses lattes, Justin Murisier a plané, pour ne plus jamais être rattrapé, taillant à la perfection les courbes sur le reste du parcours. Pas même le meilleur descendeur du monde, son meilleur ami sur le Cirque blanc Marco Odermatt n’a pu le déloger. «Quand je suis arrivé au bas de ma course, je me suis dit que c’était pas mal, mais qu’il y avait encore du monde et que je devais rester tranquille. Mais petit à petit, en voyant les autres athlètes, j’ai compris que j’avais été vraiment bon.»

Son pote «Odi», qu’il a devancé de deux dixièmes, a apprécié la performance. «Justin a été génial, cette victoire est plus que méritée.» Et si le Valaisan en est là aujourd’hui, c’est aussi beaucoup grâce au triple vainqueur de la Coupe du monde. «J’ai la chance d’avoir un coéquipier comme Marco», reprend-il. «Il gagne des courses, je peux me comparer à lui à l’entraînement, il m’aide énormément et je ne peux que le remercier.»

Et à l’instar de Camille Rast en slalom, Justin Murisier va revêtir le dossard rouge de leader de la Coupe du monde lors de la prochaine descente à Val Gardena dans deux semaines. Une fierté pour l’homme qui vient de poser les bases pour la seconde partie de sa carrière. «Je vais pleinement profiter de cette victoire. Et après, j’espère que les autres succès vont suivre.»

Johan Tachet, Beaver Creek & Laurent Morel