Rarement Marco Odermatt n’a semblé aussi content. Du moins, rarement l’extraterrestre nidwaldien ne l’a été alors que la victoire lui a filé sous le nez. Battu pour 0″09 après une sensationnelle bataille avec l’étonnant Français Cyprien Sarrazin lors de la descente de Bormio, le meilleur skieur du monde était satisfait de sa prestation, mais surtout de celle de son grand pote sur le Cirque blanc Justin Murisier. Car malgré son dossard 29, le Bagnard a réussi une manche de feu, pour échouer au 4e rang, manquant de peu un second podium en Coupe du monde et améliorant largement son meilleur résultat dans la discipline reine. “Nous faisons tout ensemble, alors je savais quelle importance cette course avait pour lui”, rigolait d’ailleurs le patron après avoir assisté à l’exploit de son compatriote.

“On est toute l’année ensemble, on bosse ensemble, il sait combien j’investis pour jouer tout devant”, racontait Justin Murisier, qui peinait à contenir sa joie dans l’aire d’arrivée. Pourtant, l’exploit du skieur de Bruson n’est pas un hasard. Notamment car la très difficile Stelvio est la piste qui convient le mieux à ses capacités techniques. “Je savais qu’à Bormio, il y avait moyen de faire quelque chose de très bien, souligne-t-il. C’est une piste qui me plaît, des conditions qui me plaisent. Mais bon, après, il faut toujours réussir sa manche. D’ailleurs, je rate certains passages et c’est ce qui me fait malheureusement louper le podium.”

“Tout était possible”

Après avoir pourtant connu un début de saison compliqué, Justin Murisier n’est pas rassasié. “Je sais que je dois encore travailler à l’avenir sur certaines pistes comme à Val Gardena, mais les résultats (ndlr: 39e, 37e et 24e) ne reflétaient pas vraiment mon état de forme.” Malade après les géants d’Alta Badia, l’athlète de 31 ans est parvenu à rester fort mentalement. “Je n’ai pas perdu ma confiance engrangée lors de la préparation, confirme-t-il. Et aujourd’hui, j’ai essayé de me dire que tout était possible et c’était le cas!”

Autre avantage que Justin Murisier avait cette année en Lombardie, il était déjà assuré de pouvoir prendre le départ de la descente, sans avoir à passer par une qualification interne lors des entraînements. Les dernières années, c’est peut-être ce qui lui a parfois coûté de l’énergie, même s’il avait déjà pris une superbe 7e place il y a un an. “C’était bien car j’ai pu reprendre tranquillement, sans vouloir casser la baraque, décrypte-t-il. J’ai simplement essayé des choses sur les passages techniques, c’était intelligent.”

Le 4e du combiné des derniers Jeux olympiques a également pu profiter des conseils du meilleur skieur du monde, avec qui il a l’habitude d’effectuer les reconnaissances et passe énormément de temps. “Avec Marco, on avait vu qu’il fallait peut-être moins se prendre pour des géantistes sur le haut, avant de changer de manière de skier à partir du départ du super-G. Ça s’est bien passé, même si je n’étais pas parfait sur certains passages.”

Bientôt sur le podium avec Marco Odermatt?

Il faut dire que la redoutable et très verglacée Stelvio, sur laquelle les champions sont cette année allés plus vite que jamais, convient parfaitement aux qualités du Valaisan, qui a décidé de tout miser ou presque sur la vitesse cet hiver, prenant notamment quelque 5 kilos afin de glisser plus facilement. “C’est une piste pour les techniciens et elle me convient pour le moment mieux que les autres, se réjouit-il. Mais je dois encore progresser dans les parties faciles, c’est important.”

Car Justin Murisier a toujours le regard vissé vers l’avant. Il espère d’ailleurs se battre pour le podium dès le super-G de vendredi. “Dans cette discipline, je suis vraiment en forme, sourit-il. J’ai prouvé que je peux être tout devant dans les parties techniques. Ici, c’est un super-G difficile et sur une piste verglacée, si j’ai la même mentalité qu’aujourd’hui, je peux jouer tout devant.” C’est plutôt une belle nouvelle pour celui qui a montré qu’il en avait “dans le pantalon” au propre comme au figuré après un échange avec l’ancien skieur Marc Gisin.

“Il faut du courage ici mais je ne pense pas encore avoir réussi la plus belle course de ma vie. Je crois avoir été encore meilleur à Alta Badia ou même à Kitzbühel la saison dernière.” Et le Bagnard de conclure: “J’en garde encore un peu sous le pied…” D’ailleurs, il est convaincu de pouvoir rejoindre son pote “Odi” sur la boîte. “On a toujours dit qu’on aimerait bien pouvoir fêter un jour un podium ensemble. Ça va venir. Je sens qu’en descente il y a vraiment moyen que je puisse jouer tout devant pendant quelques années encore.”

Laurent Morel, Bormio