Avec son premier film « A land shaped by woman », Anne-Flore Marxer (34 ans) nous emmène dans un road trip alliant sport, nature et réflexion sociale sur la condition féminine au cœur de l’hiver islandais. Entre sessions de surf dans l’océan Atlantique aux températures extrêmes, descentes dans la poudreuse à flanc de volcans ou en paddle au milieu des glaces de l’île, la Vaudoise, accompagnée par son amie Aline Bock, part à la rencontre de femmes inspirantes qui œuvrent dans un pays où l’égalité des genres est une norme respectée. Interview.

Anne-Flore Marxer, on vous connaissait comme une excellente snowboardeuse, militant également pour la cause féminine. Réaliser un film qui allie les deux thématiques était dès lors un projet qui vous tenait à cœur?

A l’origine je n’avais pas prévu de faire de film et avait encore moins réfléchi à en réaliser un. Tout a débuté après l’Xtreme de Verbier en 2017. J’avais gagné la compétition, mais je n’avais pris aucun plaisir. Je me suis dit que je devais trouver l’inspiration ailleurs. J’avais alors entendu parler de l’Islande et à quel point le pays était avancé dans le domaine de l’égalité des genres. J’ai appelé ma pote Aline Bock et nous sommes parties une semaine à la fin de l’hiver pour nous faire une première idée sur les montagnes, pour voir s’il y avait des vagues.

Et vous êtes tombée sous le charme de ce pays insulaire.

Totalement. J’ai tellement aimé l’Islande que j’ai travaillé tout l’été suivant sur son histoire. J’ai fait des recherches sur les femmes de ce pays, comment étaient-elles parvenues à faire avancer la condition féminine. Et en même temps, j’ai commencé à écrire la trame d’un film liant les sports outdoor et rencontres humaines, en donnant à l’histoire un narratif féminin.

Les deux femmes ont snowboardé dans des lieux magnifiques. (Eleonora Raggi)

Vous avez passé donc l’ensemble de l’hiver 2018 en Islande.

Je voulais que ce soit un véritable voyage. Aline (Bock) possédait un van. Nous sommes parties depuis chez elle à Innsbruck et avons pris le ferry au Danemark. Nous avons fait trois jours de bateau pour arriver en Islande. Sur place, le van nous permettait d’être réactives selon la météo. Nous avons pu faire des choses absolument fabuleuses. Du speed-board dans des paysages fantastiques, du surf dans la tempête de neige, du paddle dans la glace ou encore marcher sous les aurores boréales. Bon, j’ai tout de même failli perdre un orteil après notre première baignade. D’ailleurs, après ce bain inaugural, nous n’avons plus ressenti nos pieds pendant trois semaines (rires).

Et tout au long de votre road trip, vous rencontrez plusieurs illustres Islandaises dans le but de mener une réflexion sociale sur la condition féminine aujourd’hui.

Tout à fait. Tout a débuté le 24 octobre 1975. Ce jour-là, 90% des femmes du pays ont pris un jour de congé pour descendre dans la rue afin de valoriser la participation de la gent féminine dans la société. Sans femme, le pays s’est retrouvé totalement paralysé. En conséquence, l’Islande a été le premier pays à élire une femme au suffrage universel à la tête de son pays en 1980. C’est le point de départ de notre histoire. Nous voulions savoir comment cet événement a influencé l’état d’esprit féminin dans ce pays en dressant le portrait de femmes absolument fascinantes et qui ont accompli de belles choses.

Vous dédiez par ailleurs ce film à des femmes qui ont beaucoup compté pour vous.

Effectivement, ce film a été réalisé en l’honneur des Islandaises, mais également de ces merveilleuses femmes qui me manquent aujourd’hui et qui ont été de formidables exemples. Estelle (Balet), Matilda (Rapaport), Sarah (Burke), Camille (Muffat), Florence (Arthaud) ont été des amies qui m’ont apporté de l’inspiration, de la force et de la joie. Chaque fois que je vois ce film, je comprends pourquoi je l’ai fait. D’une part je devais trouver la force pour moi et la partager avec toutes les femmes qui aiment la nature et le sport.

Anne-Flore Marxer et Aline Bock ont rencontré de nombreuses Islandaises illlustres comme l’exploratrice Vilborg Arna Gissurardóttir. (Eleonora Raggi)

Quel message souhaitiez-vous transmettre à travers votre film?

Je souhaitais qu’il puisse ouvrir la conversation des genres. Je suis contente car les feedbacks sont positifs. D’un côté, il y a les femmes qui y puisent une source d’énergie et de confiance en soi. Et de l’autre, et cela je ne m’y attendais pas forcément, ce film a un certain impact sur la gent masculine qui se pose également des questions.

« A land shaped by women » connaît un succès international puisqu’il a recueilli déjà sept distinctions en festivals.

C’est incroyable. Le film a tout juste été terminé pour être présenté au St. Anton Film Festival fin août. Je ne l’avais encore jamais vu sur grand écran et il y avait 700 personnes dans la salle. Au final, on gagne le prix. Deuxième festival où nous sommes sélectionnées, c’est à Hollywood. Je m’y suis rendue avec ma mère. Il y avait 110 films retenus et tous de haute qualité. Et là encore on a gagné. Aujourd’hui, des festivals me contactent tous les jours. Il sera présenté en Grèce, au Pakistan. Le film voyage plus que moi c’est dingue.

Prix remportés par "A land shaped by women"
Best Short Film at the «Lady Filmmakers» à Beverly Hills (USA)
Best Short Documentary  at the «Lady Filmmakers» à Beverly Hills (USA)
Best Film at St. Anton Film Festival (AUT)
Best Feature Film at Shextreme Film Festival à Bristol (GBR)
Outstanding Excellence of Human Spirit at Docs Without Borders Film Festival
Outstanding Excellence of Cinematography at Docs Without Borders Film Festival
Best of Show at Docs Without Borders Film Festival

Sur la neige ou dans l’eau, les deux femmes ont profité de leur expérience islandaise. (Eleonora Raggi)

Une diffusion grand public est-elle prévue?

J’aimerais trouver une télévision qui puisse diffuser le film. Mais j’ai besoin de trouver un investissement post-production pour en faire un 52 minutes, correspondant au synopsis de base. Aujourd’hui, il n’a été réalisé que dans une version courte de 26 minutes pour pouvoir être retenu en festival.

Vous avez participé à votre dernière compétition sur le Freeride World Tour en avril 2017, est-il possible que l’on vous retrouve prochainement?

(Rires) C’est ça désormais qui m’intéresse (elle montre l’écran de cinéma sur lequel sera projeté son film). Faire des voyages et aller à la rencontre des gens sur un thème précis. J’adorerais refaire un film. J’aime associer des valeurs qui me tiennent à cœur. Si je fais des choses, c’est n’est pas uniquement pour moi, mais pour porter un peu d’espoir et de positif dans la vie de tous les jours.

Johan Tachet