Il y a un mois, le président de la FIS Gian Franco Kasper avait remis le réchauffement climatique en cause dans une interview au Tages Anzeiger. Les propos du Grison avaient fait monter aux barricades bon nombre d’athlètes pour lesquels le changement climatique représente une préoccupation centrale au XXIe siècle. Parmi les skieurs engagés, on retrouve Daniel Yule. Le Valaisan avait vivement critiqué les propos du patron de la FIS.

Le skieur du val Ferret n’est pas seulement un homme de parole, mais également d’action. Il a ainsi décidé de faire don de la moitié des primes qu’il percevra lors des slaloms de Kranjska Gora et de Soldeu à une association qui milite pour la protection du climat: Protect Our Winters Switzerland. Daniel Yule explique ses motivations.

Pourquoi avez-vous décidé de vous engager pour la protection de l’environnement?

J’étais chiffonné d’une part par les propos de Gian Franco Kasper. De l’autre, dans la communauté du ski, nous sommes conscients du problème, mais nous n’en faisons malheureusement pas assez. Personnellement, je sais que je fais également partie du problème car quand on est sur la Coupe du monde, on voyage aux quatre coins de la planète et ainsi j’ai aussi envie de faire partie de la solution.

Quelles conséquences du réchauffement climatique avez-vous déjà remarquées sur le terrain depuis les nombreuses années que vous skiez?

On remarque la différence surtout l’été. Quand j’ai commencé sur les glaciers, il a plus de dix ans maintenant, par exemple à Zermatt, on pouvait descendre tout l’été jusqu’à Riffelberg sans problème. Désormais, il y a un réel problème de neige. Avant, les glaciers étaient recouverts de neige. Aujourd’hui, on se retrouve rapidement sur de la vieille glace.

Et l’hiver?

Nous avons peut-être été chanceux ces deux derniers hivers d’avoir de la neige rapidement et qu’il fasse frais, enfin pour les hommes. Car les femmes n’ont pas pu concourir à Val d’Isère cette saison. C’est souvent compliqué en début d’hiver en Europe. Les annulations arrivaient bien moins souvent par le passé.

Selon vous, la pratique du ski dans sa globalité est-elle menacée?

Oui, si on parle à long terme. A court ou moyen terme, je ne le pense pas car en Valais, nous avons la chance d’avoir des stations de haute altitude et on peut s’en sortir avec les canons à neige. Mais il est clair qu’à long terme, si on ne réagit pas, le ski est menacé.

Espérez-vous que d’autres athlètes suivent votre exemple?

Je serais ravi si d’autres faisaient pareil. Mais je ne m’attends pas à ce que les athlètes se pressent au portillon non plus. En tant que skieur suisse faisant partie des cinq meilleurs slalomeurs du monde, j’arrive à gagner relativement bien ma vie et je suis en position de pouvoir faire ce geste envers une association. Mais d’autres athlètes peinent à joindre les deux bouts et on ne peut leur demander d’en faire autant. Cependant, tant mieux si je ne suis pas seul dans cette démarche.

Concrètement quelles mesures le Cirque blanc doit entreprendre pour l’environnement? Moins de déplacements en avion, en voiture?

Idéalement oui, à l’image de la fédération suédoise qui cherche à avoir une empreinte carbone neutre. C’est le genre de démarche que la FIS doit prendre en exemple. Naturellement, les voyages sont inhérents à la Coupe du monde de ski, toutefois le but serait de minimiser leurs impacts.

Pourquoi la FIS, selon vous, n’a-t-elle pas encore entrepris des démarches pour la protection de l’environnement?

Elle n’en a pas besoin pour le moment car son “business model” fonctionne. L’environnement n’a pas encore eu un réel impact sur ses opérations quotidiennes. Mais que ce soit pour la FIS ou tout le monde, l’horloge tourne. Plus le temps passera, plus ce sera pressant. Si on s’y prend à l’avance, les changements à mettre en place se feront sur une plus longue période et l’adaptation sera plus aisée.

C’est également dans cette optique que vous avez choisi de devenir délégué des athlètes auprès de la FIS?

Ce n’était pas une question uniquement centrée sur la problématique climatique. Mais c’est un thème que je souhaiterais aborder avec les athlètes et voir ce qu’il est possible de faire avec la FIS (ndlr: Daniel Yule devrait bientôt savoir s’il est élu comme délégué des athlètes auprès de la FIS).

Comment avez-vous choisi l’association que vous parrainez?

C’est une association issue des sports de neige. Ce qui me plaît, c’est qu’elle met l’accent sur l’information et l’éducation sur ces thèmes environnementaux. Plus nous sommes informés, plus nous sommes sensibilisés et nous nous rendons compte des problèmes auxquels nous devons faire face.

Skier, non pas uniquement pour vous, mais pour quelque chose qui vous tient à cœur, ça donne une motivation supplémentaire pour performer?

Vous savez au départ, je ne pense pas au prize-money, je suis là pour la performance. Simplement, après la course, il y aura une autre satisfaction d’avoir réalisé un bon résultat. Après, je n’ai pas davantage de pression et si, malheureusement, je venais à être éliminé à deux reprises, je ferais un don. L’objectif est d’illustrer mon action.

Johan Tachet