C’est décontractée et souriante que Charlotte Chable (24 ans) s’est prêtée au jeu des questions-réponses dans le café de l’hôtel qui héberge l’équipe de Suisse à Levi où elle se rend pour la première fois. La skieuse de Villars, qui s’élancera parmi les 50 premiers dossards, a ensuite enfilé son bonnet et sa veste pour aller humer l’air lapon.

Charlotte Chable, quel effet ça fait de se retrouver sur un étape de Coupe du monde?

(Grand sourire). Je suis contente d’être là, c’est clair! Je suis un peu émue aussi, oui. Ce n’est pas comme d’habitude, ce n’est plus une routine mais une sorte de nouveau départ. L’objectif était de revenir et je suis de nouveau là. Avec mon entraîneur physique (ndlr: Patrick Flaction), on a eu un petit moment d’émotion avant mon départ. Surtout qu’après l’opération, je n’y arrivais pas, mes valeurs physiques étaient nulles. Là, je me rends compte de tout le chemin accompli. Je suis contente et fière d’avoir croché.

Avez-vous l’impression d’être nouvelle dans cette équipe?

Non, parce que ce n’est pas totalement nouveau. Je connais les filles et je sais comment ça se passe en Coupe du monde, mais il y a quelque chose de spécial. Je pense que je m’en rendrai compte samedi.

Quel est votre objectif pour ce slalom de Levi?

C’est clairement d’entrer parmi les 30 meilleures pour pouvoir faire la 2e manche. Ensuite, tout est possible.

Les conditions, avec des températures élevées pour la saison (au-dessus de 0°C), que vous n’appréciez pas forcément, pourraient vous avantager si vous parvenez à franchir ce premier cap.

Oui, mais de toute façon on ne peut pas choisir. Et il faudra surtout que je skie plus vite que celles qui sont parties devant moi en première manche.

Avez-vous de l’appréhension?

Pas pour le moment. Je ne suis pas stressée pour la course. J’ai bien bossé cet été et je sais que je suis capable d’entrer parmi les 30 meilleures. Je ne dois pas réaliser quelque chose que je ne sais pas faire.

Et physiquement?

Je sais que tout est OK, mais le risque de blessure existe toujours et il trotte dans ma tête. Je ne veux pas me blesser à nouveau. Je me suis toujours dit que je n’aurais pas le courage de recommencer mais j’ai fini par toujours me remotiver. Cependant, il y aura bien une fois une blessure qui sera celle de trop et j’ai peur que ça m’arrive, je n’en ai pas envie. J’ai déjà bien assez loupé de saison. Je veux skier maintenant. 

Justement, cela ne vous perturbe pas trop sur le skis?

C’est évident que je ne dois pas trop y penser. D’ailleurs, le plus souvent je n’y pense pas. C’est uniquement dans certaines conditions, certains jours, que c’est un petit peu plus compliqué. Je ne suis pas encore à 100% mais je suis confiante. 

Vous dites que vous n’êtes pas à 100%. A quel niveau évalueriez-vous vos capacités actuelles par rapport à celles d’avant votre blessure?

Je ne sais pas trop. J’ai évolué. Avant, c’était souvent tout ou rien. Aujourd’hui, je gère plus. Mes manches sont peut-être moins rapides que ce que je pouvais faire auparavant, mais elles sont plus stables, ce qui va finir par être plus positif. Je suis plutôt une nouvelle Charlotte. 

Vous fixez-vous un objectif plus général pour cet hiver?

Le but est déjà de pouvoir participer à tous les slaloms, ce qui voudrait dire que j’ai été constante. Ensuite, l’idée serait de finir dans le top 30 mondial, pour retrouver ma place d’avant. Après, les plus qui viendront seront les bienvenus.

Parmi ces plus, il peut y avoir les Mondiaux.

Bien sûr. Tellement d’autres choses doivent se passer avant que je puisse m’y retrouver mais c’est quelque chose qui est réalisable. Il y aura quatre Suissesses et je pense que je peux en faire partie. C’est à moi de le prouver. A moi de skier vite et de prouver que je peux être meilleure que les autres. Mais après les Mondiaux de Vail, qui avaient marqué le début de ma «réussite», une nouvelle participation fermerait le chapitre blessure et me permettrait de repartir où je me suis arrêtée.

“Mes manches sont peut-être moins rapides que ce que je pouvais faire auparavant, mais elles sont plus stables, ce qui va finir par être plus positif. Je suis une nouvelle Charlotte.”

Charlotte Chable

A propos de sa manière de skier

Les résultats obtenus par les Suissesses ces dernières années en slalom vous donne-t-il envie de vous accrocher au groupe?

Evidemment. J’ai regardé leurs courses à la télévision et ça m’a vraiment donné envie de retourner dans un groupe dont j’ai fait partie. On est toutes dans la même tranche d’âge, exceptées quelques nouvelles qui arrivent maintenant. C’est toujours mieux d’avoir une équipe forte, ça offre de l’émulation.

Vous entraîner avec Wendy Holdener, c’est un avantage?

Savoir que je peux m’appuyer sur Wendy, 2e mondiale, c’est vraiment bien. Elle est une référence. Je sais que si je skie plus ou moins dans ses temps à l’entraînement, cela signifie que je suis sur la bonne voie. C’est rassurant.

Justement, vous pouvez vous situer?

Je sais que je suis dans le coup. Je me réfère à Wendy. Après, elle peut être meilleure ou moins bonne que l’année passée, mais ça permet de se faire une idée.

Le géant, c’est aussi un objectif?

Je compte en faire, mais j’ai encore besoin de temps. Je n’ai pas réussi à suffisamment baisser mes points FIS pour avoir des dossards corrects en Coupe du monde pour l’heure. C’est aussi un petit peu plus difficile de retrouver la confiance dans cette discipline pour moi. J’ai plus de peine à m’engager, j’ai plus d’appréhension. Mais je ne compte pas abandonner le géant, au contraire. D’ailleurs, juste après Levi, je pars m’entraîner dans la discipline. J’ai besoin de faire autre chose que du slalom.

L’hiver dernier, vous avez connu passablement de sorties de piste. Comment l’expliquez-vous?

Je n’étais pas prête mentalement. J’avais trop de choses autour de moi qui me perturbaient. Je ne prenais même pas de plaisir en skiant. J’avais tellement de doutes que je ne pouvais pas profiter. Dans ces conditions, je n’arrivais pas à me libérer et je réfléchissais trop.

Le déclic a eu lieu quand?

Ce printemps, lorsque j’ai pu refaire de bons entraînements. Mais ce sont peut-être les championnats suisses qui m’ont aidée (elle a terminé 3e). Je ne m’attendais pas à bien skier mais j’ai retrouvé l’envie, je n’avais pas peur, pas comme le reste de l’hiver. Je me suis rappelé que j’aimais bien skier.

Laurent Morel, Levi