Dans l’aire d’arrivée de la descente de Beaver Creek, plusieurs skieuses déambulent le sourire aux lèvres. Les skieuses américaines savourent la belle ambiance qui règne au pied de la Birds of Prey, Cornelia Hütter, Sofia Goggia et Lara Gut-Behrami profitent de poser avec l’aigle, symbole de la station du Colorado. Au milieu de ce petit monde, Corinne Suter apprécie pleinement d’être de retour au sein de la famille du Cirque blanc.
Onze mois après sa grave blessure au genou gauche, Corinne Suter a renoué avec la compétition. Sa 21e place est anecdotique, mais elle a un goût de victoire pour la championne olympique qui s’est battue contre le doute, la douleur et un long processus de réhabilitation. « Je suis simplement heureuse d’être de retour. Pas seulement d’être en bonne santé, mais surtout d’être capable de skier en compétition », savoure celle qui avait pris le départ avec l’esprit de se battre contre le chrono et non pas contre ses adversaires. « Je ne voulais me comparer à personne. »
De la nervosité et du plaisir
Avant la course, la meilleure descendeuse helvétique de la dernière décennie avouait être » très nerveuse », logique lorsque l’on retrouve la Coupe du monde sur une piste aussi compliquée que la Birds of Prey, normalement réservée exclusivement à ces hommes. « Il y avait beaucoup d’émotion et ce n’était pas la piste la plus facile pour revenir. Il y a beaucoup de mouvements de terrain, c’est très technique et difficile. Mais je suis très contente d’avoir osé accepter ce challenge. » Ce n’est que vendredi après-midi, après de longues discussions avec ses entraîneurs, et notamment Roland Platzer, que Corinne Suter a fait le choix de s’élancer, avec un but précis: « J’ai juste essayé d’avoir du fun sur les skis et de faire mieux que lors de l’entraînement. Je crois avoir fait un bon pas dans la bonne direction ».
Ce retour n’avait rien d’une formalité. Pendant près d’une année, la Schwytzoise a vécu un véritable parcours du combattant, devant apprendre à écouter son corps, à gérer la patience et à accepter que chaque petit progrès prenne du temps. « Les dernières saisons, tout allait bien, j’étais en santé. Cette fois, j’ai dû travailler chaque jour, beaucoup. C’était un long processus. Aussi pour la tête, ce n’est pas toujours facile. »
Les messages de Mikaela Shiffrin
Durant sa convalescence et sa rééducation, elle a notamment beaucoup échangé avec des skieuses qui ont connu des blessures diverses, notamment avec Mikaela Shiffrin qui s’était blessée le même jour qu’elle sur l’Olimpia delle Tofane de Cortina d’Ampezzo. « On s’écrivait tous les jours. On se demandait comment on allait l’une et l’autre et c’était vraiment sympathique. » Cette solidarité a sans doute joué un rôle crucial pour l’aider à conserver le moral dans des moments difficiles.
Aujourd’hui, Corinne Suter se rapproche de la normale, de la championne qu’elle était avant que son genou ne la lâche. « Je ne ressens désormais plus de douleurs et je peux me concentrer sur mon ski. » Chaque jour, chaque descente permet à la skieuse aux 24 podiums en Coupe du monde de reprendre confiance en elle, en ses capacités à pouvoir appuyer sur les lattes. Reste une question: quand s’attend-elle à rivaliser avec les meilleures spécialistes de vitesse du ski? « Je ne sais pas à quoi m’attendre, mais je me réjouis de le découvrir, car je me sens vraiment bien. »
Johan Tachet, Beaver Creek