Sous les 36 degrés qui règnent dans Paris, la Maison suisse fait office de havre de rafraîchissement. Pas uniquement car on peut y trouver un petit coin d’ombre et de quoi s’abreuver, mais également pour écouter Pat Burgener. Guitare à la main, l’artiste-snowboardeur lausannois assure le spectacle avant le match de Stanislas Wawrinka, retransmis sur écran géant, en offrant un petit concert aux personnes présentes.
Il y a deux jours, il se produisait au Club Tent du Paléo. Le voici, dans un autre élément, celui où le sport est roi pendant deux semaines, qu’il connaît aussi très bien. « C’est un privilège d’être ici. Cela me rappelle les Jeux olympiques, mes Jeux olympiques », sourit le spécialiste de halfpipe qui avait participé aux Jeux de PyeongChang (5e) et de Pékin (11e), et qui ambitionne de prendre part une troisième fois aux Jeux dans une année et demie à Milan et Cortina d’Ampezzo. Interview.
Pat Burgener. De Paléo, dimanche, à la scène de la Maison suisse à Paris en deux jours. Vous ne chômez pas?
Je peux vivre un été vraiment cool avec 100 concerts pour la première fois. Par le passé j’en avais que 20 à 25, il y a un gros pas en avant qui a été fait. Comme je tourne en Europe, cela fait plein de voyages. Je passe l’un des meilleurs été de ma vie. C’est la première fois que je fais quelque chose d’autre que du sport à 100% et cela fait plaisir.
En tant qu’ancien athlète olympique, il était important pour vous de venir, ici, à Paris, vous y produire?
Clairement. C’était fondamental. Depuis que j’ai joué la première fois à la Maison suisse en Corée du Sud en 2018, j’ai noué des liens, mais je n’avais pas eu la chance de rejouer depuis à cause du Covid. Et être ici, c’est un privilège. Je suis ici sans pression, sans l’étiquette du sportif, totalement relax. Et je peux juste profiter et voir des autres sports.
Quel est votre programme dans la capitale parisienne?
Je suis arrivé lundi soir et j’ai passé tout mon temps à la Maison suisse. J’adore cet endroit, cela me rappelle mes Jeux. Elle est magnifique ici à Paris. Je regarde tous les sports qui y sont diffusés. Cela fait quatre mois que je n’ai pas été posé à un endroit et je me suis dit au départ que j’allais voir plein d’événements, mais au final, j’ai juste envie de chiller dans un canapé à la Maison suisse en regardant l’écran (rires). Je ne reste que deux jours et après je repars en tournée.
Ça doit vous faire étrange d’être de l’autre côté de la barrière?
J’adore les Jeux car ça me remplit d’énergie et de motivation pour Cortina dans une année et demie, je revis cela. Quand je vois tout ce qui a autour, c’est énorme. Tu oublies en fait. Quand tu participes, tu ne te rends pas compte du gigantisme. C’est comme aller à un concert d’artiste mega connu. C’est une motivation importante pour moi en étant ici pour la musique et retrouver la flamme qui me poussera d’aller au bout de mes prochains Jeux.
D’ailleurs, où en êtes-vous dans votre processus de retour à votre meilleur niveau en snowboard après avoir renoué avec la compétition l’hiver dernier à la suite d’un break de deux ans?
Je suis giga-hyper actif et dès que j’ai la possibilité de faire quelque chose, je vais le faire. Les gens essaient de me freiner et de me calmer (rires). C’est drôle car du coup, les gens croient que j’ai arrêté le snowboard avec ma carrière musicale qui a pris de l’envol. On a, en plus, un gros projet, sans compter un second album qui arrive. Mais la saison dernière, je fais quand même deux top 10 en Coupe du monde (ndlr: 8e à Mammoth Mountain et 6e à Calgary) sans entraînement et en ayant mal au genou jusqu’en janvier. Vous savez, je fais beaucoup de sport, je suis super fit. Je m’entraîne à fond. Avant chaque concert, je fais 40 minutes de course. J’ai implémenté une routine dans ma tournée et ce qui me permet de rester sain pour maintenir la forme. Je vais avoir des blocs d’entraînement avec deux semaines en août pour faire de l’airbag et de la condition physique. Puis deux semaines en septembre.
Le retour sur neige est prévu en octobre à Saas-Fee pour le Stomping Ground?
Oui, deux semaines durant, puis j’enchaîne encore avec une tournée européenne à nouveau. Mais on a fait en sorte que je puisse m’entraîner. L’an dernier, je n’avais fait aucun entraînement jusqu’au Laax Open et j’étais parvenu à faire une belle saison. Ce n’est pas la quantité, mais la qualité qui compte.
Avec, naturellement, cet objectif de briller lors des Championnats de snowboard freestyle qui se dérouleront en Engadine?
C’est méga important, un gros événement. On aura des surprises autre que le snowboard. Il y aura plusieurs choses que je ne peux dévoiler, mais je peux déjà dire qu’il y aura des événements musicaux à côté. Pour moi, c’est l’événement auquel je rêve de participer depuis tellement longtemps, où je vais pouvoir combiner snowboard et musique, comme au Laax Open dans une moindre mesure, et lier mes des passions.
Avec tous ces concerts, ces tournées, vous n’avez pas peur de perdre votre snowboard?
Non. La plus grande qualité que me donne la musique, c’est que je me détache du résultat que les autres font. Je réalise quelque chose que personne n’a fait jusqu’à maintenant. Je vise quelque chose de plus gros qu’une médaille olympique. Des potes ont fait trois, quatre, cinq médailles, mais après ils font quoi lorsqu’ils doivent retrouver la vie normale? De mon côté, je construis quelque chose pour une carrière de 15, 20, 30 ans qui va être incroyable. Je vois cette vision arriver avec des tournées mondiales. Que je fasse des médailles ou non, cela ne va pas changer ma carrière musicale. Au contraire, une médaille, les gens se rappellent de toi uniquement pour ton sport. Je n’ai plus l’attache au résultat, mais à l’expérience désormais. Mon côté compétitif me conduisait avant à la faute et je me blessais à une année des Jeux car j’en voulais trop. Ce côté musical me permet de ne pas trop pousser, de m’entraîner lorsque je le peux et c’est ainsi que je parviens à faire de mes meilleurs résultats.
Peut-on concrètement lier sport de haut niveau et une grande carrière musicale?
C’est excitant car c’est quelque chose qui n’a jamais été faite. Ce n’est pas un chemin classique. J’ai le sport au milieu. Et cela impressionne toutes mes idoles en musique. J’ai rencontré Ziggy Alberts, Sons of the East, Amistat que j’admire et ils me disent que c’est fou ce que j’ai réalisé. Et dans le sport, c’était moins exprimé, car les gars disaient: «Ouais, Pat fait un peu de musique à côté…». Et maintenant, ils me disent: «Mais tu es encore là toi? C’est abusé ce que tu fais en musique». Honnêtement, j’espérais que ça aille loin, mais pas autant. Cela va être très intéressant d’être au départ des Jeux en alliant musique et snowboard.
Et en plus en Italie, devant du public, votre famille, contrairement à vos deux dernières aventures olympiques…
J’ai fait PyeongChang et Pékin. C’est loin, il faut prendre l’avion. Tu te demandes si la famille arrive à venir. Mais c’est galère. Là, c’est à la maison, les gens peuvent venir pour les jours de compétition ou pour les concerts, car on va en faire, c’est sûr. Ces deux prochaines années vont être les plus grosses que je n’ai jamais vécues de ma vie.
Johan Tachet, Paris