Après une attente interminable, Justin Murisier va enfin pouvoir lancer sa saison de Coupe du monde ce dimanche. Il portera le dossard 12 lors du géant de Beaver Creek (USA). Après l’annulation de celui de Sölden, le Valaisan a fait l’impasse sur le slalom de Levi avant de participer aux entraînements de descente dans le Colorado. Mais c’est bien en géant qu’il nourrit les plus grands espoirs. Rencontre, avant le début de saison.

Objectifs

“L’année passée, lorsque j’étais à l’arrivée, j’étais quasiment tout le temps dans les 10. Donc faire un Top 10, au minimum, ce serait super. Après, c’est clair que de monter sur un podium représenterait le rêve. Je l’attends depuis longtemps. Mais je ne vais pas partir et me dire: allez, aujourd’hui c’est le podium. Le but, c’est de skier vite, comme je le fais à l’entraînement. Etre dans les 7 et avoir des meilleurs dossards pourrait me donner un petit coup de pouce. Et si je réussis un bon début de saison, pourquoi pas réaliser un coup d’éclat aux Jeux.”

Concurrence

“C’est difficile à dire. Je ne sais pas comment se sont entraînés les Français, les Italiens, les Norvégiens. Il existe un sacré contingent de bons coureurs. Il ne va pas falloir simplement descendre pour arriver sur le podium. Je vais devoir me battre et mettre de l’intensité de haut en bas.”

Blessures

“C’est clair que j’y pense, mais je n’en fais pas tout un plat et ça ne me perturbe pas sur les skis. Il faut être prêt et savoir dire stop de temps à autre à l’entraînement quand on est fatigué. Je ne dis pas pour autant que c’est la raison pour laquelle plusieurs athlètes se sont blessés avant le début de saison.”

Préparation

“Cela fait maintenant depuis 2015 que je ne souffre plus de blessure. A l’été 2016, j’avais encore fait pas mal de réhabilitation mais cet été, j’ai vraiment pu faire insister sur la préparation physique. Bien sûr, il y a toujours des petits pépins, mais rien de grave. On a vu quelques progrès dans ma condition physique. J’ai pu bosser sur la stabilité et renforcer mon tronc. C’est bien, car je n’avais jamais vraiment pu le faire par le passé avec mes problèmes de dos. Pour autant, ça ne veut pas dire que je vais skier deux secondes plus vite qu’auparavant. Je suis prêt. C’est dur à dire si je suis à 100, à 120% mais physiquement je me sens bien. Cependant, il ne faut pas espérer trop et être déçu ensuite.”

Rayon (ndlr: le règlement a prévu un changement de taille en géant cette saison)

“Est-ce que ça a joué un rôle dans ma préparation? Oui et non. De toute façon, il faut te donner à fond sur toutes les manches en Coupe du monde. Je faisais partie de ceux qui commettent des fautes mais je sais que je n’ai pas le droit à l’erreur, que ce soit avec les anciens ou avec les nouveaux skis.”

Stabilité

“J’ai l’impression que je fais moins d’erreurs et que je suis plus constant d’année en année. C’est bon signe. Après, l’adrénaline qu’on a en course, la durée des manches et d’autres facteurs changent passablement entre l’entraînement et la course. Il faudra gérer ça, parce que c’est là que les petites erreurs arrivent. Mais si je parviens à reproduire en course ce que je fais à l’entraînement, ça va donner quelque chose de bien.”

Tactique

“En général, je ne calcule pas. Mon but et d’être à fond lors de chaque manche. J’espère être le plus proche possible des premiers, c’est tout. En Coupe du monde, il y a un énorme niveau. A part si t’es au-dessus du lot, tu ne peux pas gérer. Même Hirscher et Pinturault, je ne crois pas qu’ils gèrent. Mille facteurs entrent en jeu. La condition physique, le matériel, la confiance. La clé, c’est de skier vite sans faire de faute.”

Glace

“J’ai toujours apprécié les murs verglacés. J’ai appris à skier comme ça. Chez nous, en étant gamin, c’est souvent raide et je pense que c’est pour ça que je me sens à l’aise aujourd’hui. Mais je ne pense pas que je peux vraiment faire la différence là-dessus.”

Jeux olympiques

“Pour l’instant, c’est très loin. Actuellement, je pense à la Coupe du monde, à trouver le matériel qu’il faut pour chaque course. Trouver les bons skis, trouver les bonnes chaussures pour s’adapter à toutes les neiges. Je prendre une course après l’autre car je dois déjà me qualifier et ensuite je pourrai peut-être y penser un peu plus.”

Slalom

“Je ne lâche pas le morceau mais je mets la priorité sur le géant et le combiné. En slalom, je partirais avec des gros dossards sans certitude de me qualifier alors je vais voir au coup par coup. Je me suis entraîné dans la discipline. En combiné, c’est souvent en slalom que tu gagnes la course alors il ne faut pas que je laisse tomber.”

Relation

“Je crois qu’on n’a pas la même relation entre nous ou avec les médias. Entre les athlètes, on s’entend presque tous très bien. Hirscher et Pinturault se concentrent sur leur course et ne cherchent pas à savoir si je suis dangereux. Le but n’est pas de battre les autres, mais de battre le chronomètre. Je me concentre là-dessus. Mon but est d’arriver en bas et de voir du vert.”

Sponsor

“C’était difficile de perdre mon sponsor principal cet été. Il m’a lâché assez tard. Il y a eu des promesses dans le vent. En trouver un nouveau au mois de juillet-août est très compliqué. On a décidé de faire trois packages sur la saison. (A propos de Verbier qui le sponsorise) Je suis fier car c’est la seule station qui fait ça. Les Suisses sont frileux. Les stations helvétiques préfèrent en général préfèrent faire leur petite pub habituelle dont ils connaissent les retombées. En France, les skieurs mettent en avant leur station car elle aligne les radis. Combien ça vaut un contrat comme ça? C’est un salaire de skieur en Coupe du monde qui est dans les 10 dans deux disciplines. Ca a un prix, mais ça reste ridicule par rapport aux footballeurs et hockeyeurs.”

Diffusion

“Je ne veux pas lancer la pierre à Swiss Ski ou à la FIS, mais si tu regardes une course de ski en 1995 ou aujourd’hui, la seule chose qui a changé, c’est qu’il y a désormais la HD. Sinon, rien n’a évolué. Franchement, c’est la catastrophe. Il n’y a pas d’innovation. Les fans de ski vont skier la journée et ne peuvent pas revoir la course le soir. Les sponsors ne veulent pas payer car il n’y a pas assez de visibilité. La FIS n’a rien compris et veut changer notre sport en faisant plus de manches, des slaloms parallèles. Ce n’est pas la solution. Le format de course qu’on a est fantastique. La FIS ne vit pas avec son temps. Aujourd’hui, les jeunes ne regardent plus la télé mais utilisent leurs smartphones, etc. Après, les skieurs doivent aussi se mettre en avant. Le problème, c’est quand t’es tout devant, l’argent rentre alors tu ne t’inquiètes pas. On n’arrive pas à s’entendre. Et de toute façon, on n’a pas de poids.”

Laurent Morel