À le voir tirer la langue au moment où Manuel Feller vient échouer à cinq minuscules centièmes de la victoire, on sent le soulagement de Marco Odermatt. Il vient de s’imposer lors du géant de Schladming au bout de la nuit et au bout du suspense. Comme jamais cette saison dans la discipline, le Nidwaldien a été poussé dans ses derniers retranchements. Par sa faute. Une grosse en l’occurence en première manche qui l’envoie presque valser hors du tracé. Mais il a tenu le choc et ses skis pour terminer 11e sur ce tracé initial à près d’une seconde de débours de la tête du classement.
« C’était une situation difficile. J’avais de l’espoir de pouvoir réaliser une belle remontée mais je ne pensais pas que ce serait vraiment possible », analysait Marco Odermatt. Guère effrayé, ni affolé, le champion qu’il est qui a répondu en patron sur le second parcours. « Le plan était de mettre les gaz mais je savais qu’il ne fallait pas non plus forcer, parce que la neige n’était pas facile. Ici, il n’y a aucun répit, aucun plat, ça tourne toujours et il faut garder la ligner pour emmagasiner de l’énergie et de la vitesse. »
Une première dans la nuit
Sur la piste, sous les projecteurs, Marco Odermatt virevolte. Il fait sienne la piste de la Planai. Si cette seconde manche était « très cool », il ne savait pas si cela serait suffisant pour réaliser la remontada attendue par tout le peuple helvétique. « Je me suis dit que c’était une bonne course. Mais on n’est jamais sûr de rien. Il suffisait qu’un autre gars fasse une grosse performance et cela n’aurait pas suffi. » Toutefois, tour à tour, les skieurs viennent s’empiler derrière le nom du Nidwaldien qui caracole au sommet du tableau. Jusqu’à ce final haletant où Manuel Feller manque d’un rien un triomphe devant un public acquis à sa cause. « Il faut accepter que si tout va bien, je peux faire une position entre 2e et 5e », lançait tout sourire la veille l’Autrichien, presque battu d’avance. Cela ne l’a guère étonné de voir alors qu’il venait d’échouer juste derrière le boss, même si pour Marco Odermatt, cette 32e victoire s’est également obtenue « avec un peu de chance ». « Mais cette victoire est vraiment spéciale. »

Toujours est-il que le Suisse a savouré ce succès remporté, contrairement à ses dernières sorties en géant, dans l’adversité. Sur la piste et en-dehors puisqu’il s’est retrouvé confronté à une nouvelle configuration puisqu’il prenait le départ de sa toute première course nocturne, si on excepte deux parallèles disputés à une époque bien lointaine à Alta Badia. « Le déroulement de la journée est bien différent. Il y a cette tension de courir le soir, ça bouleverse les habitudes. Alors c’est cool que cela ait fonctionné. » Le plan n’était pas parfait mais il a été exécuté et réussi.
Le Grand Chelem dans le viseur
Et le prodige helvétique continue d’affoler les statistiques. S’ils s’en sont approchés, aucun adversaire n’est parvenu à battre Marco Odermatt en géant cette saison, sur les cinq compétitions disputées. Le voici désormais invaincu sur les huit dernières courses dans la discipline et il peut encore rêver de réaliser un exploit improbable: remporter tous les géants d’une seule et même saison. Un exploit réalisé uniquement par la légende suédoise Ingemar Stenmark en 1978-1979. Et lorsqu’on voit « Odi » savourer ce succès sous les étoiles autrichienne, on se dit que ce défi titille le champion qu’il est, toujours en quête de nouveau challenge.
Un grand Chelem à portée de spatules qui le rapprocherait toujours un peu plus des étoiles, sous lesquelles il a encore dansé mardi soir.
Johan Tachet/SSW, Schladming