Il ne fait pas bruit. Clément Noël (22 ans) n’est pas le genre de personne à s’étaler dans les médias ou s’épandre sur les réseaux sociaux pour raconter sa vie de skieur. L’homme est aussi discret qu’efficace lorsqu’il s’agit de découper les piquets de slalom. On dit de l’actuel 3e de la Coupe du monde de slalom qu’il intériorise ses émotions, que la pression lui glisse sur la peau comme ses spatules sur la neige. Intérioriser pour mieux extérioriser son ski lorsqu’il se met en mode en course. « C’est une machine de guerre », raconte son entourage.

Un champion qui ne vit et skie que pour la victoire. Sa famille d’accueil à Val d’Isère se rappelle d’un gamin « qui ne se satisfaisait jamais d’une 2e place ». C’est que le longiligne tricolore a toujours été doué skis aux pieds et qu’il a toujours cherché à évoluer. A 15 ans, Clément Noël décide de quitter sa famille et les rares pistes des Vosges, qui étaient devenues trop étroites pour son talent grandissant, pour rejoindre la station huppée de Haute-Tarentaise. « Un choix naturel », comme il le commente.

Lizeroux et Grange l’ont pris sous leurs ailes

Clément Noël fait ses gammes en Coupe d’Europe, avant d’exploser sur la Coupe du monde dès sa première saison, il y a deux ans, ponctuée par une 4e place aux Jeux olympiques de PyeongChang. « Dès qu’il est arrivé sur le circuit, cela a fait un grand boom. Plus c’était difficile et plus il était performant », se remémore Julien Lizeroux, 40 ans, qui a fait ses débuts sur le Cirque blanc alors que Clément Noël ne comptait que trois bougies sur son gâteau d’anniversaire.

Dès son arrivée dans le groupe pro, les anciens de l’équipe de France de slalom, Julien Lizeroux et Jean-Baptiste Grange en tête, ont pris le jeune talent sous leurs ailes. Pour le plus grand bonheur du néophyte. « Ils (Lizeroux et Grange) m’ont énormément apporté. Ils ne m’ont pas vu comme un concurrent et n’ont pas essayé de me mettre des bâtons dans les roues. Ils m’ont tiré vers le haut. Et encore aujourd’hui, leur expérience m’est profitable sur ou hors du ski. Ils me permettent de garder les pieds sur terre lorsque tout va bien. Et au contraire, ils m’incitent à rester calme lors de déceptions. »

Une intelligence de course hors du commun

En l’espace de deux ans, Clément Noël s’est inscrit parmi la caste des meilleurs slalomeurs de la planète. Aujourd’hui, le Norvégien Henrik Kristoffersen, le Valaisan Daniel Yule et lui, qui dominent la Coupe du monde dans la discipline, semblent posséder une longueur d’avance sur la concurrence dans les virages courts. « Il a une intelligence de course que peu d’athlètes ont, analysent ses coaches. Il sent les choses, il a une science du ski supplémentaire. » 

Les éloges pleuvent sur le Vosgien qui les prend  « avec plaisir », sans s’en formaliser pour autant. « Cela fait plaisir de voir que les gens ont confiance en moi, surtout des personnes qui me sont proches. Mais mon objectif est toujours le même, de tout faire en sorte d’être le plus performant lorsque je skie. » Le Français, qui compte cinq victoires en Coupe du monde, certifie pourtant « ne pas être le plus grand des bosseurs » sur le circuit. « Mais je travaille tout de même. Je reste un acharné, car il faut tout de même travailler pour être top dans le sport de haut niveau », certifie-t-il.

Bientôt en géant?

A 102 points d’Henrik Kristoffersen et à 45 unités de Daniel Yule, Clément Noël assure « ne pas penser » au Globe de cristal de slalom, alors qu’il reste encore quatre courses à disputer. « Si je parviens à mettre en place ce que je veux, les résultats suivront. » D’ailleurs samedi, la nouvelle figure de proue du ski tricolore sera l’un des candidats légitime à la victoire lors du slalom de Chamonix. 

Mais Clément Noël voit plus loin que ce simple double rendez-vous avec son public et lorgne déjà sur le géant, discipline qu’il a plus ou moins abandonnée depuis son arrivée en Coupe d’Europe. « J’ai toujours été aussi à l’aise en géant et en slalom plus jeune. J’ai désormais un nouvel état d’esprit et je m’entraîne, du coup, tout autant en géant. » Il s’imagine bien prendre un départ en Coupe du monde cet hiver déjà. Au Japon dans deux semaines? Ce serait idiot de traverser la planète uniquement pour faire un slalom. « Mon objectif est de m’aligner une fois, puis de marquer des points et ensuite on avisera car lorsque je regarde une course de géant, j’ai du mal à m’imaginer à skier aussi bien que ceux qui se trouvent devant, poursuit-t-il. Mais, je ne veux pas me fixer de limite non plus. »

Sans faire trop bruit. Pas à pas, sur la pointe des spatules, pour atteindre les sommets.

Johan Tachet, Chamonix