Lara Gut-Behrami arbore un large sourire que l’on n’avait plus vu illuminer son visage depuis bien longtemps. Elle se précipite vers ses parents qui jubilent également à proximité de l’aire d’arrivée. C’est à Pauli et à Gabriella que la Tessinoise a immédiatement pensé au moment de conquérir l’or mondial du géant des Championnats du monde de Cortina d’Ampezzo. “J’ai connu des années difficiles et ils sont les seuls à toujours avoir été à mes côtés, à me soutenir.”

Qui aurait en effet parié il y a encore quelques mois que la Suissesse gagnerait le géant des Mondiaux? Dans cette discipline, elle n’était pas parvenue à se qualifier parmi les 25 meilleures skieuses de la saison pour les finales en Andorre il y a deux saisons. Longtemps, après sa blessure contractée aux Championnats du monde de Saint-Moritz en 2017, la skieuse de Comano s’est évertuée, dans sa discipline de coeur, à retrouver les sensations qui lui permettaient de jouer le podium à chaque course avant son accident grison.

Pendant trois ans, elle a cravaché, travaillé les fondamentaux, sachant que “retrouver (son) virage” en géant lui permettrait d’être tout aussi performante en vitesse. “Quand les sensations sont là, tout est plus facile. Tu n’as plus besoin de te battre contre tes skis, la neige ou la pente. Par contre, quand ça ne va pas, chaque virage est un combat. La moindre erreur coûte cher”, poursuit celle qui avoue également profiter désormais d’un équilibre bénéfique entre sa vie privée et le ski.

Un matériel performant, un physique affûté et de la sérénité privée

Pour Pauli Gut, le papa et entraîneur qui portait fièrement un masque aux couleurs du club de football du Genoa (le club de Valon Behrami), sa fille a “trouvé la sérénité en famille et sur les skis”. “Il y a plusieurs autres choses qui expliquent que Lara soit aussi performante, comme son matériel, avec lequel elle a de bons réglages, mais aussi sa collaboration fructueuse avec son préparateur physique Alejo Hervas qui est génial.”

L’épouse de Valon Behrami est déjà, avec Corinne Suter, la grande dame des Mondiaux de Cortina dans le clan helvétique. La collection comprend le bronze de la descente ainsi que l’or du super-G et du géant, des médailles qu’elle a savourées différemment. “Je n’ai pas extériorisé mes émotions après le super-G, car il y avait à nouveau une course le lendemain. Je voulais maintenir la tension, explique la Tessinoise. Mais là, c’était ma dernière course et c’est une manière incroyable de terminer ces Championnats du monde.”

“Je n’avais plus de jambes”

Pourtant, la skieuse de 29 ans se disait éreintée par les efforts à répétition de ces derniers jours auxquels s’ajoute un géant dont les manches dépassaient 1’15 de course. “Je n’ai jamais connu un géant aussi long. Entre les deux manches, j’étais éprouvée, je me suis presque endormie sous la tente”, sourit Lara Gut-Behrami qui, épuisée, s’est écroulée dans l’aire d’arrivée après son second run, toute surprise de se retrouver en vert sur le tableau chronométrique. “Mes jambes ne tenaient plus. Je ne pouvais pas croire que j’étais devant et, à ce moment-là, j’étais heureuse d’avoir une médaille, car franchement je ne me sentais pas bien sur le deuxième parcours. Et lorsque tu es fatiguée, tu n’arrives pas à produire le ski que tu souhaiterais.” Mais la nouvelle championne du monde de géant skie depuis quelques semaines sur un nuage et même quelques erreurs ne l’empêchent de skier à un niveau que ses adversaires peinent à égaler.

Vingt-ans après son idole Sonja Nef

Avec huit médailles mondiales, Lara Gut-Behrami devient la skieuse suisse la plus décorée de l’histoire devant Erika Hess. Mais de ses nombreuses récompenses, c’est très certainement cette dernière breloque qui lui tient le plus à coeur. “J’ai toujours eu comme rêve de remporter une médaille en géant.”

Comme un clin d’oeil du destin, elle est la première Suissesse sacrée dans la discipline depuis 20 ans et une certaine Sonja Nef, qui ornait, à l’époque, les posters de sa chambre de Comano. “Mon premier souvenir des Championnats du monde est la victoire de Sonja à Sankt Anton. Mais c’est surtout une personne qui m’a beaucoup aidée par la suite dans ma carrière, poursuit la double championne du monde, en faisant référence au mari de l’Appenzelloise, Hans Flatscher. C’était notre entraîneur en chef. Il est l’un des premiers à m’avoir aidée avec le team, à choisir mon chemin et à ne pas me bloquer. Il m’a aussi aidée lors de cette victoire aujourd’hui et je lui en suis reconnaissante.”

Trois nouvelles récompenses viennent garnir la maison de Lara Gut-Behrami à Udine, avant peut-être davantage de trophées, puisque la Tessinoise est à la lutte avec la Slovaque Petra Vlhova et sa compatriote Michelle Gisin pour la conquête d’un second grand Globe de cristal après 2016. Mais avant de se replonger dans le quotidien de la Coupe du monde dès le week-end prochain au Val di Fassa, la double championne du monde va aller reprendre des forces chez elle. “J’ai vraiment besoin de me reposer”, glisse-t-elle en souriant au moment de quitter l’aire d’arrivée de Cortina d’Ampezzo.

Johan Tachet, Cortina d’Ampezzo