Extraordinaire Sarah Höfflin! Blessée au pied gauche à la fin du mois de janvier, la championne olympique de slopestyle a réussi à revenir à temps pour disputer les Championnats du monde en Engadine. Surtout, elle a réussi à y briller. Après avoir manqué son épreuve de slopestyle (non qualifiée pour la finale), la Genevoise a rebondi de la meilleure des manière en arrachant l’argent en Big Air. Il s’agit de la première médaille mondiale pour la rideuse de 34 ans, qui a tout gagné ou presque jusqu’ici (or olympique, deux Globes, 5 médailles aux X Games…).

Dans la nuit de Saint-Moritz et dans une ambiance de feu, comme cela a été peut-être trop peu le cas durant ces Mondiaux, Sarah Höfflin a fait le show, faisant oublier au public les déboires d’Andri Ragettli. Tranchante, elle a plaqué un excellent switch dub 1080 mute dès son premier saut, avant d’assurer un dub 1080 safety puis de tenter un incroyable dub 1440 japan à sa troisième tentative. Un saut qu’elle a failli plaquer, mais dont elle a finalement manqué l’atterrissage. Gros jéroboam de champagne dans les bras, elle s’est confiée sans détour, dans la foulée de son émouvant podium.

Sarah Höfflin, vous sembliez très émue sur le podium.

C’est vrai! Là, je suis trop contente! Et j’étais très émue. Je participe à mes cinquièmes Championnats du monde et je gagne enfin une médaille. J’étais habituée aux 4es places (ndlr: trois fois) et je n’avais jamais vraiment eu le niveau pour monter sur le podium. C’était ma bête noire. J’ai cru que ça n’allait jamais se faire. En plus, je le réussis en Big Air. Ce n’est plus mon point fort mais je me suis beaucoup entraînée pendant l’été et cet automne. C’est gratifiant.

Et ça a donc payé…

Complètement! J’ai passé un nombre d’heures incalculables à Leysin, sur l’airbag. J’en ai bouffé mais j’ai adoré ça! D’ailleurs, je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner.

Sur la compétition en elle-même, vous avez fait les bons choix, avec un bon premier saut, un deuxième pour assurer et le troisième qui aurait pu vous offrir l’or si vous le plaquiez.

On en a beaucoup discuté avec mon entraîneur Greg (Tuscher). Je tenais vraiment à une médaille. C’était plus important d’avoir une médaille tout court que d’aller chercher l’or à tout prix. C’est pour ça que j’ai choisi le dub 1080 safety lors de mon deuxième passage. Je savais que ça ne m’assurait pas absolument le podium mais je n’avais pas envie de prendre tous les risques à ce moment-là. Après, lors du dernier run, j’ai tenté le tout pour le tout.

Et c’est là que vous tentez un incroyable dub 1440 japan. Vous n’êtes pas loin de le plaquer!

Je dois avouer que j’étais partie pour faire un 1260 à la base. Mais je me suis rendue compte que j’avais trop d’élan, qu’il fallait poser le 1440. Malheureusement, j’étais peut-être trop entre les deux figures et ça n’est jamais idéal. Ça me fait un petit pincement au cœur car si je posais ce trick, j’aurais largement été en tête.

Durant votre carrière, vous avez à peu près tout gagné. Il ne vous manquait plus que cette médaille.

C’est juste dommage qu’elle ne soit pas en or, même si je reste très contente. Il y a malgré tout un petit poil de déception. Pas de la frustration, car je n’aurais pas pu faire différemment. Mais il est vrai que je manque quand même un petit peu de confiance. Il ne faut oublier que je sors de six semaines d’arrêt après avoir souffert d’une contusion au talon gauche. C’était long et difficile. Il y a trois semaines, je marchais encore avec des béquilles! J’en avais marre d’attendre, j’avais l’impression de regarder de la peinture sécher, c’était tellement long! Je pensais vraiment que c’était mort pour les Championnats du monde et j’avais perdu toute motivation. Les médecins m’avaient prévenue que ça allait plutôt prendre trois mois avant que je puisse revenir. Mentalement, c’était très compliqué.

Et vous avez décidé de partir voyager…

Exactement. Je suis partie en vacances avec ma maman, à Marrakech. C’était la première fois qu’on voyageait ensemble, toutes les deux. À ce moment-là, j’avais fait toutes les thérapies possibles et imaginables à la maison. Là-bas, j’ai fait des soins holistiques. J’ai trouvé un endroit parfait, spécial, tellement joyeux. Ils m’ont donné énormément de confiance en moi. Ça m’a permis de retrouver le sourire. Je pense que c’est aussi grâce à ça que j’en suis là aujourd’hui.

Cette médaille, c’est aussi le succès d’une équipe, quand on voit à quel point tout le monde est impliqué, tout le staff. Même Mathilde Gremaud était présente pour vous soutenir de près.

Bien sûr! Greg et Marinho (Tuscher et Meyer, les entraîneurs) et Mustafa (Ceylan, le préparateur de skis) m’ont tellement motivée au départ pour lancer mes figures. Toute la semaine, ils m’ont soutenu que je skiais trop bien. Je n’y croyais pas forcément au début mais ils ont fini par me convaincre. C’est grâce à eux que j’en suis là. La physio (Lucile Poux) aussi m’a beaucoup aidée car je n’avais pas toujours l’énergie suffisante. C’est également leur médaille.

Du coup, vous allez être plus motivée que jamais pour le prochain grand rendez-vous avec les Jeux olympiques dans moins d’un an à Livigno, non?

Je suis ultra motivée, c’est vrai. Je n’ai qu’une envie, c’est de skier et de progresser. Je pense aux Jeux, oui, évidemment. Mais en général, je crois que j’ai retrouvé un bon chemin, dans ma vie, dans ma carrière. Je crois que j’ai quand même eu un petit coup de moins bien durant un ou deux ans. Mais désormais, j’ai l’impression d’avoir de très belles choses devant moi. C’est ce qui me fait dire aussi que non, je ne vais pas m’arrêter après les Jeux. Tout le monde pense que ça va être le cas mais pour moi, la progression est importante et j’ai retrouvé un élan qui m’a redonné une grosse confiance en moi. J’ai encore du potentiel. C’est une des premières fois dans ma carrière que je me dis que je peux envisager de poser des figures que je n’aurais jamais imaginée être capable.

Laurent Morel, Saint-Moritz