Drôle d’atmosphère à l’arrivée du géant masculin des Championnats du monde ce vendredi à Saalbach. Alors que la Suisse va fêter ses 9e et 10e médailles de ces joutes, le public helvétique se réjouit, mais ne peut cacher une petite pointe de déception. Déception car le skieur avec le meilleur potentiel ce vendredi était probablement Loïc Meillard. Le Valaisan doit se contenter de la médaille de bronze. Déception car l’intouchable Marco Odermatt ne montera même pas sur le podium, une mésaventure (hors sortie de piste) qui ne lui était plus arrivée depuis mars 2021!
Pourtant, et même si la victoire est revenue à l’improbable Autrichien Raphael Haaser, il faut se réjouir de l’extraordinaire 2e place de Thomas Tumler, qu’on a parfois dit perdu pour le ski en raison de ses problèmes de dos et qui s’offre son plus bel exploit à 35 ans. Il faut également se réjouir de voir Loïc Meillard monter sur un deuxième podium déjà à Saalbach et s’offrir une 5e médaille mondiale, ce que peu de skieurs helvétiques ont réussi. D’ailleurs, seuls Willi Steuri (6 médailles), Rudolf Rominger (7), David Zogg (7) dans les années trente, et Pirmin Zurbriggen (9) plus récemment ont fait mieux.
Michelle Gisin: « C’est fou »
« On n’a pas le droit d’être déçus », glissait ainsi Michelle Gisin avant d’aller consoler « son » Luca de Aliprandini, finalement 9e. « Il ne faut pas oublier que c’est une course de Championnats du monde. Aujourd’hui, Raphael Haaser s’est surpassé devant son public. C’est le jeu et il faut se réjouir d’avoir les deux Suisses sur le podium, c’est fou! » Difficile de donner tort à l’Obwaldienne, double championne olympique de combiné. Pourtant, Loïc Meillard ne parvenait encore pas totalement à se réjouir devant la presse, quelques minutes après l’arrivée.
« Je sais que je pouvais faire plus », a concédé le Valaisan. « Après, ça aurait aussi pu ne pas suffire pour une médaille. Cela reste exceptionnel, même si on devient gourmand. » Alors que les étoiles devaient s’aligner pour lui alors qu’il avait signé le deuxième temps de la première manche, Loïc Meillard a finalement du jouer avec les éléments contraires. La visibilité tout d’abord, puisqu’un nuage a rendu son passage plus compliqué que d’autres, à commencer par celui du vainqueur. « J’ai ainsi eu de la peine à trouver le bon rythme pour réaccélérer et sur ce genre de parcours, ça coûte rapidement beaucoup de temps. »
Il a également dû composer avec un tracé par forcément avantageux pour ses qualités. L’entraîneur suisse des géantistes Helmut Krug a en effet piqueté de manière assez directe, pour une course se rapprochant parfois d’un super-G censé avantager ses protégés que sont Thomas Tumler et Marco Odermatt. Et si ça avait été plus technique? « Avec des si et des là, on joue toujours de la belle musique », a répondu le médaillé de bronze. « On ne va pas entrer là-dedans. Il faut skier ce qui a été tracé et j’ai commis des erreurs. Des choses n’ont pas fonctionné en deuxième manche, c’est frustrant mais c’est le jeu. »
Thomas Tumler: « Mes débuts en Coupe du monde, c’était l’horreur »
De la frustration, c’est tout ce que Thomas Tumler n’a pas ressenti ce vendredi. Surpris à l’arrivée d’être si bien classé, le Grison continue d’écrire son histoire à 35 ans, après avoir connu tant de hauts et de bas. « C’est incroyable, je n’arrive pas à y croire. À l’arrivée, je ne pensais pas que ça allait suffire pour le podium et pourtant si. Je suis trop fier d’avoir réussi à faire ça. Cette médaille, ce n’est que du bonus. »
Souvent dans l’ombre, ce qui ne le dérange pas, « Thomi » prend de plus en plus souvent la lumière même si son rôle de « troisième homme » derrière le duo Marco Odermatt – Loïc Meillard lui convient parfaitement. « Au début de ma carrière en Coupe du monde, c’était vraiment l’horreur. (Daniel) Albrecht et (Carlo) Janka étaient blessés, (Sandro) Viletta et (Marc) Berthod n’allaient pas trop bien. Du coup, j’avais toute la pression sur les épaules, c’était affreux. » Aujourd’hui, les temps ont changé et c’est en tant que médaillé mondial au sien d’une fantastique équipe que le skieur de Samnaun, déjà médaillé d’argent lors de l’épreuve par équipes, va pouvoir aller fêter.
Loïc Meillard va lui s’offrir un verre pour fêter mais a déjà le regard fixé sur le slalom de dimanche, dont il sera l’un des grands favoris. « Je vais célébrer mais en effet, je ne vais pas finir à 4 heures du mat’ couché sous un banc », a souri l’Hérensard. « Je suis en confiance physiquement et mentalement avant le slalom. » Ses nombreux adversaires sont prévenus.
Laurent Morel, Saalbach-Hinterglemm