Un sourire et une joie de vivre communicative caractérisent souvent Carlos Gerber. Surdoué du sport en général, du snowboard en particulier, apprécié par les sponsors, le rider de 28 ans sait se mettre son entourage dans sa poche. A l’aise lors des nombreuses conversations qu’il partage avec ses proches comme avec ses nouvelles connaissances, le spécialiste de Big Air profite d’un métissage culturel pour en faire une force. Sa force.

Né à Bienne le 31 octobre 1990 d’un père cap-verdien et d’une mère suisse, il a vécu toute son enfance à Sonceboz (BE), village de près de 2000 âmes. Son accent du Jura bernois le trahit encore parfois. Presque hyperactif, le jeune homme a pratiqué une multitude de sports dans son enfance. Son cousin, fin snowboardeur, lui a alors donné des idées. “J’étais à fond dans le motocross à l’adolescence, mais choisir le snowboard était devenu plus facile”, avoue-t-il. Des dreadlocks et une planche, c’est un schéma connu. Il l’est moins lorsqu’il s’agit de s’élancer sur des faces d’or blanc, même si le rider de Thyon apprécie également les vagues à ses heures perdues.

Un apprentissage de charpentier

Carlos Gerber effectue en parallèle un apprentissage de charpentier, pour assurer ses arrières: “C’est bien car je n’ai pas de pression à ce niveau là. Je peux arrêter le snowboard demain et j’ai autre chose. C’est une de mes forces. Je n’ai rien à perdre.” Mais la neige est devenue l’environnement favori de ce constructeur de l’extrême. “A la fin de mon apprentissage, j’ai bossé deux ans comme shaper à Ovronnaz, raconte-t-il. Ensuite j’ai petit à petit augmenté la part que le snowboard prenait dans ma vie.”

Lorsqu’on lui demande d’où il vient, le rider ne sait pas trop quoi répondre. “Je pense avoir un part de Valaisan, une part de Jurassien bernois et j’ai aussi cette part cap-verdienne. C’est ce qui fait ma force, un mélange magnifique.” Et lorsqu’il doit décrire où il habite, ce n’est pas beaucoup plus clair. “J’habite dans le coffre de ma voiture depuis deux ans, mais je vais souvent à Annecy, où est ma copine. J’essaie aussi de passer du temps à Ovronnaz, et parfois à Sonceboz. Beaucoup aussi à Laax et Saas-Fee pour les entraînements.” Le Valaisan d’adoption ne sera toutefois pas toujours sur la route. “J’arrive à un moment où j’ai envie de me poser un peu mais je ne vais pas quitter le snowboard comme ça, du jour au lendemain.”

Pour participer aux Jeux olympiques, il devra être le 4e homme de l’équipe de Suisse de slopestyle et Big Air (les mêmes athlètes participeront aux deux épreuves). Il joue la dernière place avec Michael Schärer alors que Jonas Bösiger, Nicolas Huber et Moritz Thonen sont quasiment assurés d’être du voyage coréen.

 

“Si je ne vais pas aux Jeux, ça ne sera pas la fin du monde”

Cette saison, vous avez notamment atteint la finale à Pékin. Quel premier bilan tirez-vous?

Ça a très bien commencé. Déjà la saison dernière, ça c’était très bien passé. J’étais en pleine forme. Après cet été, j’appréhendais un peu ma première compet’ car il n’y en a pas beaucoup. Moi j’avais Pékin, Copper et Laax alors il fallait se concentrer là-dessus. C’était top directement d’être en finale. Je suis un peu déçu de moi-même car j’aurais pu faire bien mieux, au moins un Top 5. Mais au final, je ne retiens que du positif.

Vous restez tout de même constamment sous pression.

Oui, il ne faut pas se relâcher. Il faut maintenant que je me concentre là-dessus. Du moment que je suis en finale, ce n’est pas terminé. Il faut continuer à bosser. Le niveau est tel en qualifications qu’on donne déjà tout. Mais il faut réussir à rester un battant, un viking, jusqu’au bout.

Les Jeux olympiques, c’est un rêve de gosse?

Non, je ne peux pas dire ça comme ça. J’ai un parcours un peu particulier. Je n’ai pas fait de sport étude par exemple. Je suis arrivé sur le circuit sur le tas. J’ai commencé à rider par ci par là, à faire des compétitions en Suisse. Quand j’était plus jeune, j’ai fait beaucoup de football, de hockey sur glace et ensuite du motocross. Je ne voulais faire que ça. Ensuite, le snowboard est venu petit à petit. Par la suite, une participation aux Jeux est devenue un objectif. Ca fait maintenant 2 ans que je suis à fond pour essayer de me qualifier. Je ne vais non plus dire que c’est une obsession. Si je n’y vais pas, ça ne sera pas la fin du monde. Les Jeux, ce serait plus une jolie porte de sortie niveau compétition.

Car vous envisagez d’arrêter à la fin de la saison?

Non, pas d’arrêter, mais de changer ma façon de snowboarder. J’aimerais faire moins de compétitions et ne garder que les grosses épreuves de Big Air. Je souhaite aussi faire plus de films et de vidéos pour les marques. Je suis à fond dans la compétition depuis 2 ans et je sens que j’ai envie de voir autre chose. C’est très intense, ça demande beaucoup de concentration, surtout que les figures sont toujours plus grosses, plus techniques. C’est dur de rester tout le temps au top.

Avec quelle figure pouvez-vous faire la différence?

Je pense au triple cork 1620. Si j’arrive à le plaquer proprement en Big Air, ça peut rapporter gros. Ça fait maintenant 4 ans que je fais cette figure, malgré quelques impuretés. Avec également un switch back 1620, je peux marquer énormément de points. C’est un joli challenge car je sais que si je réussis ça, et j’en ai les capacités, je n’ai pas de limite. Il faut juste maintenant débrancher un peu le cerveau au moment d’envoyer. En plus, j’arrive en tant qu’outsider et je n’ai donc pas vraiment de pression externe. Je sais au fond de moi que le résultat peut être incroyable. Mais il faut surtout se faire plaisir. Sans plaisir, je n’arriverai à rien.

Laurent Morel