Pour les passionnés des sports extrêmes, la lettre X résonne dans leur tête comme un fantasme. Du rêve d’y décrocher une médaille pour les athlètes à l’espoir d’y assister un jour pour les spectateurs, les X Games ont construit leur réputation au fil des années. La chaîne ESPN, filiale de Disney et mastodonte des retransmissions sportives outre-Atlantique, a su créer un événement qui ne ressemble à aucun autre, où les règles sont dictées par les audiences. Qu’importe, les X Games, version hivernale, existent depuis 1997 et se disputent depuis 2002 dans “l’ultra-select” station d’Aspen. Le succès de la grande fête n’a jamais été démenti depuis.

Bref, les X Games, ce sont:

Des disciplines improbables

Bien sûr, il y a le ski et le snowboard (halfpipe, slopestyle et Big Air), mais les X Games mettent en avant une multitude de sports totalement méconnus en Europe. La motoneige telle qu’on la connaît a évidemment sa place dans une épreuve de freestyle des plus impressionnantes, mais les courses de moto à chenille de type motocross sur neige ou la montée de la piste de Big Air sur des motos à crampons, entre autres, sont plutôt étonnantes. Quoi qu’il en soit, le public en redemande!

Des odeurs marquantes

C’est peut-être ce qui touche le plus en arrivant au pied de Buttermilk Mountain, l’une des quatre stations du domaine d’Aspen/Snowmass, qui héberge les X Games depuis 18 ans. Les odeurs n’ont rien à voir à celles qu’on imagine habituellement sur des épreuves de sports d’hiver. Ici, il ne faut pas s’attendre à humer la saucisse et encore moins le Café Lutz, ou Café Fertig, dont l’odeur se rapproche de tout, sauf du café (mais c’est une autre histoire).

Au coeur des majestueuses montagnes rocheuses, le fumet numéro un, c’est celui de l’essence dégagée par les nombreuses dameuses et motoneiges qui sont constamment occupées à remodeler le terrain et surtout à remonter les athlètes. On est aux Etats-Unis et ici, la vague verte n’a pas encore totalement fait son arrivée… Quoique. Le cannabis est légal dans le Colorado et ça fait son effet. Les odeurs de marijuana ne sont pas uniquement présentes lors des concerts et donnent aux “X” un air de festival. Cependant, l’herbe ne fait pas que des heureux. Selon un chauffeur de taxi, peu attiré par la chose, la population de l’état aurait même doublé à cause de son commerce, à son plus grand désespoir.

Des paradoxes en pagaille

Si le cannabis est donc autorisé sur le site des X Games, la consommation d’alcool est largement réglementée. Pour commander sa cannette, il faut se trouver dans un des “Beer Garden”, qui sont en fait des enclos destinés à accueillir les amateurs de malt. Dans le même temps, la jeunesse dorée d’Aspen trouve le moyen de passer en douce des quantités non négligeables de schnaps et certains perdent rapidement leurs esprits. Le tout malgré des contrôles de sécurité poussés. Sur une neige bien gelée, les glissades des jeunes fêtards sont assurées. Les rires aussi.

Des exemples de la société de consommation

Si les X Games cartonnent, c’est grâce aux audiences que peut en tirer ESPN. C’est également grâce à la visibilité qu’obtiennent les principaux sponsors de la compétition. Jeep se fait un plaisir de présenter ses nouveaux véhicules plus puissants les uns que les autres alors que la chaîne de fast food Wendy’s offre des hamburgers aux spectateurs juste avant la tente Harley Davidson. Pas très freestyle tout ça? A vous de juger. En tout cas, le public américain, qui a un véritable goût pour faire la queue, se fait une joie de se retrouver dans les files d’attente pour recevoir les “cadeaux” mis en jeu.

Des fêtes jusqu’au bout de la nuit… enfin presque

C’est un mythe, mais les fêtes durant les X Games existent bel et bien. La plupart du temps, ce sont surtout les spectateurs qui se régalent dans les quelques bars et discothèques d’Aspen. Mais il n’est pas non plus rare de croiser l’un ou l’autre athlète (on ne donnera pas de nom), certains utilisant même leur médaille comme pass pour accéder aux fêtes. Plus improbable, la soirée VIP Monster Energy, du nom de l’un des principaux sponsors de la manifestation (et de nombreux athlètes) s’est déroulée cette année dans un bâtiment au sommet de la télécabine. Concert privé et danse à gogo pour les invités triés sur le volet. Mais attention, dans le Colorado, les soirées se terminent tôt.

Des stars à la pelle

La société américaine aime s’identifier à ses héros, particulièrement dans le sport. Ce n’est donc pas une surprise si dans le monde des sports extrêmes, la starisation de certains athlètes est en marche depuis bien longtemps. Cette année, la palme revient à Chloe Kim. La snowboardeuse californienne, superstar depuis qu’elle a décroché la médaille d’or olympique dans le pays d’origine de ses parents l’hiver dernier à PyeongChang, a pris le relais de Shaun White. Absent cette année à Aspen, ce dernier espère briller à Tokyo en 2020 en skateboard. Du coup, les Etats-Unis n’ont d’yeux que pour Chloe Kim. Il faut dire que la championne de 18 ans compte déjà 5 médailles d’or aux X Games à son palmarès. Présente dans le Colorado avec ses parents, par ailleurs très sympathiques, celle qui a vécu deux ans à Genève entre ses 10 et 12 ans en a profité pour amener son chien. Ce dernier avait une place enviée dans l’aire d’arrivée du pipe d’Aspen… Sinon, Alex Ferreira (ski halfpipe) a fait le show chez lui et Scotty James a prouvé une nouvelle fois qu’il est le nouveau patron du snowboard halfpipe.

Un décalage total entre sa station hôte et les valeurs des sports extrêmes

Aspen a la réputation d’être la station de ski la plus chère du monde, en terme d’immobilier. C’est dire si la clientèle qui fréquente la petite ville du Colorado aux trottoirs chauffants est plutôt… fortunée. D’ailleurs, difficile de trouver une nuit d’hôtel à moins de 200 dollars, et ce en dehors des “X”. Pendant l’événement, les prix doublent ou triplent.

Ici, l’abonnement de ski pour une journée coûte 159 dollars. Aspen n’est pas une station destinée aux riders. En tout cas pas à ceux qu’on imagine souvent en difficulté pour joindre les deux bouts. Mais une semaine par année, pourtant, tout le monde met ses a priori de côté et se rassemble. Au final, le mélange fait sourire mais fonctionne plutôt bien.

Des concerts surprenants

Si X Games peut rimer avec sport, pour d’autres, l’événement est synonyme de musique. Car Aspen peut se targuer d’accueillir chaque année certains des artistes les plus en vogue du moment. Cette année, les concerts de Lil Wayne, The Chainsmokers ou Kygo ont permis à des milliers de personnes d’oublier les températures négatives du Colorado. Et aux visiteurs fortunés d’Aspen de partager sur les réseaux sociaux leur présence aux concerts.

Le plus grand événement du genre

Si en Europe, les fédérations s’obstinent à rappeler que les Championnats du monde représentent le grand rendez-vous de l’hiver, les athlètes ne sont pas dupes. Ce sont leurs résultats aux X Games qui leur permettront de signer les contrats qu’ils méritent. Car le freestyle, c’est surtout aux Etats-Unis qu’il rapporte et les Américains s’intéressent aux X Games plus qu’aux compétitions organisées par la FIS. Cependant, une sorte d’accord tacite entre fédérations, athlètes et sponsors fera que personne n’ose réellement se prononcer.

A noter qu’alors que les meilleurs freeskieurs de la planète étaient donc ce week-end à Aspen, une Coupe du monde de slopestyle était organisée dans le même temps à Seiser Alm (ITA). Pourtant, le calendrier n’est pas surchargé. Après les Mondiaux, les athlètes auront trois semaines de pause avant de devoir revenir en Amérique du Nord. Allez comprendre…

Fanny Smith, qui a participé deux fois à l’événement avant que le skicross soit rayé du programme, se rappelle encore s’être éclatée en accomplissant l’un de ses rêves. La Vaudoise avait remporté la médaille de bronze en 2011.

Des extensions plus ou moins réussies

Depuis de nombreuses années, les X Games ont tenté de s’implanter dans le monde. Il y a eu les X Games Europe à Tignes de 2010 à 2013, mais la station française mise de moins en moins sur le freestyle. Désormais, la Norvège, entre Hafjell et Oslo, cherche une formule qui marche. Mais le Big Air disputé dans la capitale en mai dernier par 25°c n’était peut-être pas la meilleure publicité pour les sports de neige.

Désormais, les X Games se tournent vers la Chine. Pour ce qui est de la version hivernale de l’événement, le rendez-vous est déjà pris pour la fin du mois de novembre ou le début du mois de décembre 2019 dans un lieu restant encore à définir.

Les X Games 2019 en quelques clichés:

Texte: Laurent Morel, Aspen
Photos: Maeva Pellet