Elle l’a longtemps attendu. Pour ses sixièmes Championnats du monde, sa 23e course à ce niveau, et après cinq podiums sans connaître les joies de la victoire, Lara Gut-Behrami s’est enfin offert une couronne mondiale lors du super-G de Cortina d’Ampezzo. Pourtant, si la Tessinoise laissait échapper l’un ou l’autre sourire, elle ne laisser transparaître aucune euphorie après son exploit. “Il n’était écrit nul part que je devais gagner une médaille d’or, lance-t-elle d’emblée, cachant ses émotions. Il y a beaucoup de choses qui peuvent changer la vie d’un athlète. Je pense aux blessures, mais certainement pas à une médaille d’or. Je savais ce que je valais même sans cette médaille.”

Faire abstraction de la médaille

La skieuse de Comano est restée aussi flegmatique à l’interview qu’au moment de pousser le portillon de départ. Elle s’élançait pourtant avec l’étiquette de grande favorite après avoir remporté les quatre super-G qui ont précédé les Championnats du monde. “J’avais de la pression, avoue-t-elle. Mais pour la première fois, je savais que ma vie ne changerait pas que je gagne ou non. Je voulais juste faire mon ski et c’est ce qui diffère des autres années.” Trop souvent obnubilée par l’or dans le passé, Lara Gut-Behrami a dû en faire abstraction pour finalement l’obtenir. “Je la désirais cette médaille à l’époque et je ne l’ai jamais gagnée. Et ce sentiment met souvent trop de pression.”

Toujours est-il que ce titre planétaire était loin d’être gagné d’avance pour la Tessinoise, malgré son statut. Il y a eu dans un premier temps les reports successifs de la compétition mardi, avant son renvoi deux jours plus tard. Une situation qui l’a nullement perturbée. “Nous avons l’habitude de devoir gérer ces éléments. Mais au final, je suis contente que cette course se soit déroulée ce jeudi et non mardi, car les conditions étaient ainsi plus correctes.” Il a fallu ensuite gérer une piste Olimpia delle Tofane, bien plus délicate à skier qu’elle en avait l’air au premier regard. “En voyant les premières filles, nous pensions que le tracé était assez facile et lent. Finalement, ça tapait de tous les côtés et la piste s’est révélée bien plus rapide que je le pensais.” Ce qui ne l’a pas empêché de réaliser une nouvelle démonstration et une course presque sans-faute.

Il n’y a que Mikaela Shiffrin, qui a commis une grosse faute, qui aurait pu lui contester sa domination. D’ailleurs l’Américaine, finalement en bronze, se montrait élogieuse envers la nouvelle championne du monde qui lui a ravi son titre acquis il y a deux ans à Åre. “Elle (Lara Gut-Behrami) était favorite, un statut qui rajoute de la pression sur ses épaules. Quand tu arrives à répondre présente alors que tu es aussi attendue, c’est un sentiment indescriptible. Franchement, j’étais certaine qu’elle allait s’imposer.”

Corinne Suter: “L’adrénaline des Mondiaux m’aident à être rapide”

La seule à s’être approchée du chrono de Lara Gut-Behrami est sa compatriote Corinne Suter. La Schwytzoise a réalisé une course solide pour offrir un magnifique doublé à la Suisse pour la course d’ouverture. “Tout s’est déroulé comme je le souhaitais, savourait la skieuse de Suisse centrale qui conserve par la même occasion son titre de vice-championne du monde de la spécialité. J’étais plus nerveuse qu’il y a deux ans car de nombreuses personnes m’ont rappelé mes performances ou m’ont envoyé des photos d’Åre. Franchement, je suis très heureuse.”

D’autant plus que Corinne Suter restait sur des performances en demi-teinte ces dernières semaines, en ayant obtenu un seul top 5 sur les cinq dernières étapes de la Coupe du monde en vitesse. “Les gens me demandaient ce qu’il se passait et j’ai commencé un peu à cogiter, avoue la Schwytzoise qui a su se transcender au bon moment. Je crois que j’aime les Mondiaux. L’adrénaline des grosses courses m’aide à être rapide.”

Bonne joueuse, Corinne Suter a salué Lara Gut-Behrami pour sa performance. “Elle a simplement réalisé une superbe course.” Et si Corinne Suter a su élever son niveau ce jeudi, c’est aussi grâce à l’adversité proposée par la Tessinoise. “A l’entraînement, nous pouvons pousser mutuellement et repousser ainsi nos limites. C’est la raison pour laquelle nous sommes si rapides actuellement.” Samedi, les deux flèches helvétique partiront à la conquête de l’or mondial en descente.

Johan Tachet, Cortina d’Ampezzo