À la manière dont il a lancé en l’air ses bâtons haut, très haut dans l’aire d’arrivée de la Verte des Houches ce samedi, Ramon Zenhäusern savait qu’il avait réussi quelque chose de grand. Confirmation quelques instants plus tard après la sortie de route de Clément Noël. Lui, le géant de Bürchen pouvait à nouveau monter sur la plus haute marche du podium (avec plus d’une seconde d’avance sur son premier poursuivant, le surprenant Grec AJ Ginnis), une place qui lui convient si bien finalement. « Lorsque j’ai vu du vert dans l’aire d’arrivée pour la première fois depuis deux ans, j’ai lancé mes bâtons le plus haut possible, raconte-t-il. Il y avait énormément d’émotions. Cependant, j’étais assez nerveux au départ de la deuxième manche car je ne savais pas trop s’il fallait attaquer à fond ou être malin. Mais j’ai bien géré ce mélange et c’est tellement beau de finir avec une victoire ici. »
Derrière un immense sourire, le Haut-Valaisan ne se lasse pas de répéter les mêmes phrases. « Retrouver la victoire ici après autant de temps, c’est vraiment trop beau. Surtout dans cette atmosphère, devant ces superbes montagnes, devant tous ces spectateurs suisses aussi, c’est incroyable. » Et s’il s’est confondu en excuse devant les quelques milliers de Français présents d’avoir volé la vedette à Clément Noël, le grand Ramon pouvait savourer. Car celui qui s’était surtout révélé lors de la saison 2017-2018 avant de confirmer ensuite revient de loin.
« Je ne savais pas si j’allais revenir »
Si retrouver Ramon Zenhäusern aussi fort lors de la dernière course avant les Championnats du monde peut surprendre, c’est que le skieur de 30 ans avait perdu tous ses repères ou presque l’hiver dernier. Une préparation largement perturbée par une blessure à une épaule qui l’avait ensuite poursuivi tout l’hiver lui avait coûté très cher, au point de perdre ses repères. « À la fin de la saison dernière, j’étais vraiment au fond du trou, avoue-t-il. Il y a eu des moments difficiles et je me suis posé beaucoup de questions. Je ne savais pas si j’allais revenir. Il fallait que je change quelque chose si je voulais retrouver les podiums. »
Avec son staff, qu’il remercie pour la confiance, Ramon le battant s’est d’abord soigné physiquement puis penché sur ses soucis. « J’ai dû faire l’effort de me concentrer sur le fait de prendre du plaisir sur les skis à nouveau, décrypte-t-il. J’avais besoin de retrouver des bonnes sensations et ça passe aussi par ma technique. D’ailleurs, je n’ai pas du tout utilisé le chronomètre durant toute ma préparation. » Comme d’habitude, il y est allé pas à pas, gagnant dossard après dossard après avoir écopé du 25 en début de saison. Et ça a payé. « Je n’ai pas brûlé les étapes et j’ai retrouvé la joie de skier, c’était le secret pour revenir au top. » L’arrivée d’un nouveau technicien en la personne de l’expérimenté Philippe Petitjean (ancien skiman d’Henrik Kristoffersen), à qui il fait une confiance aveugle, était également l’une des pièces du puzzle qui lui a permis de se retrouver. Et son mal de dos du début de saison a rapidement été oublié lui aussi.
Profiter de l’instant
Car la carrière de Ramon Zenhäusern n’a rien d’un long fleuve tranquille. Il lui a déjà fallu beaucoup de patience, de persévérance et d’abnégation avant de percer véritablement au plus haut niveau. Ce n’est qu’en 2018, à 25 ans, qu’il a trouvé une régularité qui lui a permis d’entrer régulièrement dans les top 10, et de signer ses premiers podiums. « Ramon n’est pas un talent pur, concède l’entraîneur en chef des slalomeurs Matteo Joris. Grâce au travail, il est arrivé à se construire une superbe carrière. » Et le caractère si particulier a permis au Valaisan de réussir là où de nombreux autres auraient échoué. « Ramon avait besoin de temps, poursuit son coach. Mais sur une piste comme ça personne ne peut le battre. Le but, c’était qu’il puisse partir dans les 7 premiers aux Mondiaux pour pouvoir jouer une médaille. » Et c’est exactement ce qui va se produire pour lui, comme pour Loïc Meillard et Daniel Yule d’ailleurs.
Extrêmement rapide à l’entraînement la semaine dernière, le skieur de Bürchen aura de quoi nourrir de grandes ambitions, sur une piste de l’Eclipse légèrement moins favorable à ses qualités de « créateur de vitesse sur les skis », mais pas non plus impossible à dompter pour lui. « Mais pour l’instant, je profite de l’instant présent, rétorque le héros du jour. Il reste du temps, on verra ça en temps voulu. » Après avoir récupéré ses bâtons, Ramon Zenhäusern aura bien mérité de se retrouver chez lui, pour profiter de ses instants de paix qu’il aime tant. Avant de rêver à d’autres exploits.
Laurent Morel, Chamonix