Mikaela Shiffrin s’écroule sur la piste Giovanni Agnelli. Les émotions la rattrapent au moment où elle se rend compte qu’elle vient d’écrire l’histoire en remportant la 100e victoire de sa carrière. Un exploit unique dont vient lui rappeler sa coéquipière Paola Moltzan qui relève la championne en pleurs. « Je ne sais pas si on rêve à un tel accomplissement. C’est trop énorme », a confié la skieuse de Vail quelques instants après son incroyable exploit.
Le chiffre est immense, presque hors de portée de raisonnement pour l’Américaine qui essaie de replonger dans ces souvenirs. De ce premier succès en décembre 2012 à Åre alors que le phénomène n’était âgé que de 17 ans à ce jour glorieux. Naturellement, chaque triomphe ne se ressemble pas, mais certaines marquent plus que d’autres. « Je ne me rappelle pas de toutes mes victoires, mais certaines restent gravées, notamment celles que j’ai pu partager avec quelqu’un de spécial. Aujourd’hui, c’est le cas avec Paola (Moltzan) qui m’accompagne sur le podium », lance la skieuse qui se rappelle aussi du jour où elle avait établi un nouveau record en s’adjugeant un 87e succès en Coupe du monde, soit un de plus qu’Ingemar Stenmark, toujours à Åre, sur les terres de la légende suédoise. « Ce jour restera aussi dans ma mémoire car ma famille m’avait fait la surprise de venir me voir. »
Les doutes face à la concurrence
Réussir pareil exploit est d’autant plus marquant qu’il intervient au terme de semaines de doute, de douleur et de remise en question. « C’est le dernier moment où j’aurais pensé atteindre ce chiffre des 100 victoires », confie la skieuse qui est revenue à la compétition il y a moins d’un mois après une blessure contractée en début de saison lors du slalom de Killington. « Je me suis demandé ces dernières semaines si c’était une bonne chose de revenir à la compétition. Mais pour avancer, pour terminer le processus de guérison, retrouver le portillon était la meilleure chose à faire. »
Pour la première fois depuis son retour, tout s’est déroulé sans accroc dimanche en Italie où l’on a retrouvé la Mikaela Shiffrin qui dominait toute concurrence dans les virages courts. « Quand je regardais les autres skieuses, comme Zrinka (Ljutic), Paola (Moltzan), Camille (Rast), qui semblaient si rapides, je me disais que ça allait être impossible de gagner ce genre de course », poursuit la championne qui a galéré « mentalement pour être capable de skier » à son plein potentiel. « Je dois profiter de ce petit moment de bonheur dans une saison où il y a surtout eu des moments difficiles. Je suis très reconnaissante », souligne l’athlète qui avoue être encore loin de son meilleur niveau en géant. « C’est une autre histoire où je suis toujours face à une montagne longue et pentue que je dois gravir. »
« Du fun, du stress et de l’excitation »
Reste alors ce fabuleux chiffre 100, chiffre de tous les fantasmes, qui rappelle à Mikaela Shiffrin que, malgré son incroyable talent, sa carrière jalonnée de tous ces succès, n’a pas été un long fleuve tranquille. « Durant ma carrière, les gens s’attendaient à ce que je gagne, et si je n’y parvenais pas, on pensait que quelque chose n’allait pas. Pour moi, c’était le contraire », tient-elle à rappeler. « Lors de chaque manche, j’ai skié à 100% car je me suis toujours retrouvée face à des skieuses très fortes. C’était un réel défi. Il y a eu du fun, du stress, de l’excitation. Mais au final, je suis fière et reconnaissante. »
Johan Tachet