Encore incertaine quelques jours avant la compétition, Mathilde Gremaud a su se transcender le jour-J, vendredi, pour conserver à Corvatsch son titre de championne du monde de slopestyle. Celle qui est également championne olympique de la discipline a une nouvelle fois prouvé qu’elle était bien une athlète capable de briller de mille feux dans les grands moments, une athlète capable de tout faire pour remplir ses objectifs. Pourtant, sa saison n’a rien eu d’un long fleuve tranquille, bien au contraire.
Pas bien dans sa tête alors qu’elle a connu des changements dans son entourage, elle a ainsi décidé de faire une pause et de rentrer en Europe juste avant les X Games à Aspen. Une pause qui allait s’avérer salutaire, sauf qu’à son retour à l’entraînement il y a un mois, la Gruérienne subissait une chute sur un rail et se faisait mal à la nuque, subissant aussi une commotion. La période prévue pour revenir en force pour les Mondiaux s’en est alors retrouvé bien perturbée.
« J’avais l’impression que ma tête était complètement séparée de mon corps »
« Ça n’allait pas du tout », a-t-elle ainsi décrit. « Les premiers jours lors desquels j’ai skié à nouveau, j’avais l’impression que ma tête était complètement séparée de mon corps. Ce n’était pas du tout stable et très désagréable. Dès que je baissais ou que je levais la tête, tout tournait. » Heureusement pour elle, les symptômes ont complètement disparu juste avant son arrivée en Engadine la semaine dernière. « La vie est bien faite », sourit-elle.
Mais pour en arriver là, Mathilde Gremaud a beaucoup travaillé, physiquement et mentalement. « Depuis ma blessure, j’ai vécu cinq semaines de gros doute. Finalement, ça m’a laissé énormément de place pour la préparation mentale. » Et la Fribourgeoise de 25 ans a pu compter sur le soutien de ses proches, qu’elle a beaucoup sollicités. » J’ai été cherché les personnes qui me font du bien, qui m’amènent des choses. J’ai construit une petite équipe autour de moi en quelque sorte, une bulle. Je sais que je peux me tourner vers Greg (ndlr: l’entraîner Greg Tuscher), vers mes parents, vers d’autres. C’est vraiment important d’avoir ce soutien, surtout que tout le monde a répondu présent. C’est une chance que tout le monde n’a pas. »
« Elle était vraiment malheureuse »
Papa de Mathilde Gremaud, Stéphane confirme: « Elle sait qu’elle peut s’appuyer sur nous et pour elle, c’est important. On lui apporte notre soutien et on ne la pousse surtout pas. » La compagne de La Rochoise Vali Höll a passé beaucoup de temps avec elle au cours des dernières semaines, à Innsbruck surtout, mais aussi à Saalbach, où elles ont assisté aux Championnats du monde de ski alpin. « Ce ne’st pas facile quand tu connais une personne lorsqu’elle va bien, que tout roule, et que tout à coup, elle va beaucoup moins bien », raconte l’Autrichienne, triple championne du monde de descente en VTT. « Elle était vraiment malheureuse pendant deux mois, n’avait pas de motivation. Elle s’est souvent demandé pourquoi tout ça lui arrivait alors qu’elle avait essayé de faire tout juste. Elle s’est aussi sentie un petit peu bête car elle n’était pas malade, elle ou sa famille n’avaient rien de grave. »
Pour l’aspect sportif, Mathilde Gremaud a également pu s’appuyer sur l’équipe de Suisse de freeski. « C’est bon de parler avec ses collègues d’équipe, ça aide vraiment », décrit Fabian Bösch, deux fois médaillé d’or aux Mondiaux. L’entraîneur Greg Tuscher a également joué un rôle très important, comme aime le rappeler la rideuse. « En tant qu’entraîneur, je dois être vraiment à l’écoute et soutenir ses choix », décrit-il. « Il n’y a pas de mauvaise décision, la preuve. Finalement, malgré les doutes, elle a fait tout juste et a retrouvé le feu et le plaisir sur les skis. »
Le mentor de la skieuse de La Berra philosophe. « Il y a un dicton qui ‘si tu veux aller vite, tu vas tout seul, si tu veux aller loin, tu vas ensemble.’ C’est exactement ça! Arriver au top, c’est une chose mais d’y rester, c’est encore plus dur et ça demande beaucoup de ressources. Savoir s’entourer est très importants. Comme tout le monde, Mathilde a dû trouver un équilibre entre le sport et sa vie privée. » Aujourd’hui, ça fait la différence. Et gageons que ça le fera une nouvelle fois la semaine prochaine pour l’épreuve de Big Air, lors de laquelle la championne fera évidemment figure de favorite.
Laurent Morel, Corvatsch