Difficile d’imaginer plus belle image. Une fois la ligne d’arrivée franchie par Tanguy Nef, dernier slalomeur à s’élancer dans cette grande première du combiné par équipes masculin aux Championnats du monde de Saalbach, c’est une vague rouge, avec nptamment Alexis Monney qui saute par dessus la barrière pour rejoindre son binôme, qui déferle dans l’aire d’arrivée pour se jeter sur le Genevois qui vient d’assurer à la Suisse un triplé inédit.

Les skieurs helvétiques laissent éclater leur immense joie. Franjo von Allmen et Loïc Meillard, les nouveaux champions du monde sont bras dessus, bras dessous, partageant leur bonheur avec Alexis Monney et Tanguy Nef, en argent, ainsi que les bronzés Stefan Rogentin et Marc Rochat. « C’est quelque chose pour les livres d’histoire », s’est écrié Franjo von Allmen au micro d’ORF. On ne saurait donner tort au Bernois, double champion du monde en Autriche, puisque les skieurs suisses écrivent déjà les lettres de noblesse d’une compétition qui vivait son baptême.

Dans cette nouvelle compétition qui réunissait les meilleurs athlètes de la planète, à l’exception de Marco Odermatt, présent dans les travées du stade pour encourager ses potes, il fallait se montrer solide, mentalement notamment. «Je ne dois pas être trop souvent au départ de ce genre de course pour mes nerfs», a rigolé Franjo von Allmen, soutenu dans ses propos par son compère Loïc Meillard. « Le stress au départ était pire que lors d’une course normale, car on a envie de bien faire pour l’autre aussi. Quand l’autre fait une bonne course, tu n’as pas le droit de te planter », lance le Valaisan, mis sur orbite par Franjo von Allmen, 2e de la descente du matin. Après le bronze du parallèle et du combiné individuel de Cortina d’Ampezzo, et l’argent du géant de Courchevel, le skieur d’Hérémence complète sa collection de médailles avec le plus beau des métaux. « Le set complet est là mais ce qui est magnifique, c’est les émotions partagées avec toute l’équipe. C’est unique et on va s’en souvenir toute notre vie. »

Alexis Monney et Tanguy Nef prêts à faire la fête

À commencer par Tanguy Nef, dernier homme en piste, qui savait avant son départ que la Suisse serait titrée. Mais le Genevois a parfaitement réussi à garder son flegme pour aller cueillir l’argent. « Alexis a eu plus de pression en me regardant skier que moi sur la piste », s’est marré Tanguy Nef. « Personnellement, au deuxième intermédiaire, je savais déjà qu’il allait faire une sacrée course.» Lors de la descente matinale, son binôme Alexis Monney avait une nouvelle fois régalé sur la Schneekristall en réalisant le meilleur temps et en plaçant son duo en excellente position. « Je l’ai peut-être mis sous pression Tanguy. Mais je lui ai dit de ne pas s’inquiéter et de rester calme », a rigolé le skieur de Châtel-Saint-Denis. « Franchement, c’est une journée folle », peinait à trouver ses mots le Fribourgeois qui va rentrer d’Autriche avec deux médailles autour du cou.

Tanguy Nef, qui tournait autour de la boîte ces dernières semaines, goûte pour la première fois aux joies d’un podium dans l’élite. « Je ne pouvais rêver mieux. On était sur le toit du monde », a savouré le Genevois qui entend bien célébrer cette médaille dans la station autrichienne. Il a le temps avant le slalom des Mondiaux prévu dimanche. « Un sage homme nommé Marco Odermatt m’a dit que deux jours suffisaient pour récupérer après la fête », s’est marré Tanguy Nef. Ça tombe bien, car Alexis Monney connaît déjà les lieux.

La revanche de Marc Rochat

Pour Marc Rochat, également en quête d’un premier résultat de référence, cette médaille de bronze a une saveur particulière. Le Vaudois a vécu un début de saison compliqué, avec des espoirs de podiums mondiaux qui semblaient s’éloigner, puisqu’il n’avait pas réalisé les minima requis à l’origine. « Je me suis tellement battu ces dernières saisons pour aller chercher le podium, j’en étais si proche. Ce début de saison n’était pas celui que je souhaitais, avec une qualification tirée par les cheveux pour les Mondiaux. Mais à Saalbach, je suis arrivé avec le cœur et la tête pleins de rêves », a-t-il clamé après une course qui lui a permis de renouer avec son meilleur niveau. « Les étoiles se sont alignées. Je savais qu’il allait faire chaud. J’étais serein car c’était mes conditions, avec de la neige salée, j’étais serein. J’ai pu démontrer mon ski. »

Dans des conditions difficiles, Marc Rochat a réalisé le 3e temps de la manche de slalom, suscitant l’admiration de son partenaire bronzé Stefan Rogentin. « Marc a fait un boulot incroyable », a glissé le Grison qui était déçu de ne s’être classé qu’à la 8e place de la descente. Le Vaudois de Crans-Montana ne lui en voulait aucunement. Au contraire. « Sur ce type de neige, c’était mieux de partir dans le tas et j’ai pu ainsi totalement m’exprimer. »

Les slalomeurs sous la tondeuse?

Malgré l’élimination de Daniel Yule lors du slalom, le duo valaisan composé du skieur de La Fouly et de Justin Murisier a vibré pour leurs coéquipiers. « Le niveau est simplement exceptionnel. On parle beaucoup de l’esprit d’équipe et là, cela montre qu’on arrive aussi à se réjouir pour les collègues », a confié Justin Murisier, heureux de pouvoir concourir avec son pote d’enfance. « J’ai jamais eu des émotions comme ça. Quand Daniel était au départ, j’étais à deux doigts de pleurer avant même qu’il parte. Heureusement que ce n’était pas moi qui devais skier. » Les deux hommes le promettent, leur duo entend se former à nouveau dans le futur, peut-être dès les Jeux olympiques l’année prochaine.

Quoiqu’il arrive, ce 12 février restera gravé dans les mémoires. Il restait une question en suspens: est-ce que les slalomeurs suisses allaient imiter leurs collègues descendeurs en se rasant la tête? « Je dois encore être présentable pour les épreuves techniques », s’est marré Loïc Meillard. Tanguy Nef n’exclut pas de passer sous la tondeuse. « S’il faut se raser, on le fera », sourit le Genevois, toujours bon joueur.

Le groupe vit bien et il est encore prêt, avec des cheveux ou non, à se parer de nombreuses médailles lors des épreuves techniques.

Johan Tachet/SWW/LMO, Hinterglemm