Intouchable Mathilde Gremaud! Même en difficulté, la Gruérienne parvient toujours à remonter la pente pour être présente lorsque ça compte le plus. Elle n’a pas raté son grand rendez-vous de la saison en Engadine, se parant d’or lors de l’épreuve de slopestyle des Championnats du monde. En l’absence de certaines de ses principales rivales (Tess Ledeux et Eileen Gu notamment), la rideuse de La Roche a réussi une véritable démonstration en finale, alors qu’elle n’était encore pas certaine de pouvoir participer à ces joutes il y a quelques jours après avoir chuté il y a un mois et subi une commotion cérébrale. Mais encore une fois, elle a su réagir, se remobiliser et attaquer avec brio la finale ce vendredi dans les Grisons.
Mathilde Gremaud, une nouvelle fois, vous répondez présente le jour-J. Comment l’expliquez-vous?
C’est toujours le but et il atteint, c’est ce qui compte! Ce genre de résultat ne se prépare pas en un jour et c’est quelque chose qui est dans ma tête depuis la saison passée. Après les Globes, il est clair que c’était quasiment mon seul objectif cet hiver. De l’extérieur, ma saison n’était peut-être pas hyper vivante (ndlr: elle a décidé de faire une pause fin janvier et s’est ensuite blessée lors de son retour à l’entraînement il y a un mois) mais beaucoup de choses se sont passées pour moi. C’était très intense et très intéressant. Depuis ma blessure, j’ai vécu cinq semaines de gros doute. Finalement, ça m’a laissé énormément de place pour la préparation mentale. J’ai reçu énormément de soutien de ma famille et de mes proches. C’était presque une chance d’avoir du temps lors duquel je n’ai intéressé personne. J’ai pu être seule avec moi-même et bosser sur les choses qui étaient importantes et dont j’avais besoin pour aujourd’hui.
Qu’est-ce qui vous a tant perturbé physiquement après votre chute?
J’ai longtemps souffert de problèmes de nuque notamment. Ça n’allait pas du tout. Les premiers jours lors desquels j’ai skié à nouveau, j’avais l’impression que ma tête était complètement séparée de mon corps. Ce n’était pas du tout stable et très désagréable. Dès que je baissais ou que je levais la tête, tout tournait. Grâce à la visualisation, j’ai pu retrouver les bonnes énergies.
Est-ce que ces semaines compliquées ne vous ont pas enlevé une part de pression d’une certaine manière?
Au contraire, je crois que ma chute m’a plutôt mis de la pression, surtout au début car je pensais que c’était mort pour les Championnats du monde. Après, je me suis dit « non, c’est un autre challenge, tu vas y arriver ». Cependant, il fallait que je fasse attention à ma santé qui ne s’est vraiment améliorée que la semaine passée. C’était un peu limite. Au final, j’ai toujours eu de la pression mais d’un type que je ne connaissais pas trop. Mais je pense que ça m’a juste aidé à me concentrer sur l’essentiel et à oublier certains détails comme quelle figure je devais préparer ou ce genre de choses. Je voulais juste que ma tête soit ultra solide. Le ski, je ne pouvais de toute façon pas l’entraîner. Ça fait réfléchir sur les priorités.
Concrètement, qu’avez-vous fait durant ces semaines lors desquelles vous n’avez pas pu skier?
J’ai essayé d’optimiser ma préparation physique et de gérer ma blessure. J’ai aussi été cherché les personnes qui me font du bien, qui m’amènent des choses. J’ai construit une petite équipe autour de moi en quelque sorte, une bulle. Je sais que je peux me tourner vers Greg (ndlr: l’entraîner Greg Tuscher), vers mes parents, vers d’autres. C’est vraiment important d’avoir ce soutien, surtout que tout le monde a répondu présent. C’est une chance que tout le monde n’a pas.
Et tout est rentré dans l’ordre la semaine passée, donc?
Oui, la vie est bien faite, on ne sait pas trop pourquoi parfois.
Vous n’avez pas l’impression de devoir vous retrouver dos au mur, comme aux Jeux olympiques de Pékin par exemple, pour ensuite vous surpasser?
Ce n’est en tout cas pas un schéma que je recherche car ce n’est pas cool de se retrouver dans cette position. Il y a beaucoup de doute et d’incertitude et souvent des blessures. Mais si on prend ici, depuis que j’ai mis les pieds à Corvatsch, tout s’est bien passé. Il n’y a pas eu trop d’emmerdes sur mon chemin cette fois, uniquement les semaines précédentes.
Cette médaille, vous l’avez clairement gagnée dans la tête, non?
Oui, complètement!
Vous réussissez un run de très haut vol aujourd’hui. Vous aviez bien préparé votre coup, non?
Je pense qu’avec l’équipe et Greg, on a eu une super bonne approche. On avait un très bon sentiment. J’ai voulu éviter de faire la même erreur que lors du premier run de qualification, lorsque j’en avais peut-être trop fait. Le reste, j’étais prête et je me sentais bien tout en étant nerveuse. Au départ, la pression était forte mais on a rigolé un bon coup et elle est partie. J’ai pu vraiment faire le run que je voulais, sans pression et avec une légèreté que j’ai pu apprécier de haut en bas. C’est un super sentiment que je vais garder. Je me souviens de tous les détails. C’est encore plus beau de gagner la médaille d’or en ayant vécu ma prestation sur le moment. J’ai réussi à skier comme je le voulais, c’était très agréable.
Cette sensation, c’est quelque chose que vous avez rarement vécu dans votre carrière?
Je l’ai eu plusieurs fois mais là, c’était assez intense. Je me souviens vraiment de tous les détails. Aux Jeux olympiques en 2022, j’étais aussi bien, comme sur des rails. Mais à Pékin, j’ai quand même fait une petite erreur sur mon dernier saut. Là, ma performance était plus propre, c’était probablement le meilleur feeling que j’ai connu jusqu’à maintenant.
C’était votre meilleur run?
Techniquement, je ne crois pas. Mais c’est dans les tous bons, surtout sur un parcours aussi long. C’est très demandeur. À l’entraînement, j’étais crevée à la fin de chaque run et j’avais les jambes très tendues. Je n’arrivais pas à me relaxer. C’est allé mieux aujourd’hui, je ne sais pas comment l’expliquer.
Vous la placez où dans votre palmarès cette médaille?
Ça fait une de plus et tous mes trophées ont une belle histoire. Je suis juste trop contente mais je vais l’accrocher sur « la guirlande » avec les autres, à la même hauteur.
Laurent Morel, Corvatsch