Après une nouvelle saison exceptionnelle, Marco Odermatt s’impose encore un peu plus comme l’une des plus grandes légendes du ski alpin. Avec quatre Globes de cristal supplémentaires, pour porter son total à 13, ses victoires historiques et son record de succès en Coupe du monde pour un skieur suisse, sans oublier l’or mondial en super-G, le champion continue d’écrire l’histoire de son sport. En marge des finales de Sun Valley, le prodige nidwaldien revient sur ses moments forts, son évolution en tant qu’athlète, l’incroyable dynamique de son équipe et ses ambitions pour l’avenir.

L’interview vidéo:

Marco Odermatt, qu’est-ce qui vous rend le plus fier parmi tous les accomplissements de cet hiver?

C’était à nouveau une saison incroyable. Les Globes et les médailles, c’est ce qui compte au final. Pour moi, la victoire en super-G à Kitzbühel était aussi un grand moment. C’était un rêve de gagner le “Chamois d’or” là-bas. Même si ce n’était pas la descente, c’était un grand moment de la saison.

Vous avez treize Globes de cristal désormais, mais où allez-vous les mettre?

J’arriverais toujours à trouver de la place à la maison ou chez mes parents. Ce n’est pas un problème. Mais, effectivement, 13, c’est un chiffre incroyable.

Vous êtes devenu le skieur suisse le plus titré en Coupe du monde avec 45 victoires devant Pirmin Zurbriggen et ses 40 succès? Avez-vous le sentiment d’être le meilleur skieur suisse de l’histoire?

Ces dernières années, ces derniers mois, c’était un but de devenir le skieur suisse avec le plus de succès. Je connais aussi bien Pirmin (Zurbriggen) depuis longtemps. C’était un moment spécial de battre son record de victoires. À Val Gardena, pour une victoire spéciale pour moi cette saison, de le rejoindre. Puis, de le dépasser deux jours plus tard à Alta Badia. C’était un moment cool.

Est-ce que les records deviennent une motivation supplémentaire?

Je ne crois pas que les chiffres te motivent à l’avance. Mais c’est très cool quand ils sont là. Quand on se rend compte qu’on aura toujours une importance dans notre sport et en Suisse. C’est quelque chose évidemment qui fait plaisir. C’est aussi ce qui continue de me motiver. Mais c’est ce sentiment, lorsque je passe l’arrivée. Je veux toujours gagner. Et quand tu l’atteins, c’est simplement un incroyable et beau sentiment.

Vous avez cependant été moins dominant que lors des deux derniers hivers. Cela vous a préoccupé?

Malgré tout, je crois que lorsqu’on se retrouve ici avec quatre nouveaux Globes, tout s’est une nouvelle fois très bien passé. Peut-être qu’en géant, j’étais plus dominant, plus constant, en remportant plus de victoires la saison passée. Mais je pense qu’il est logique de ne pas pouvoir gagner toutes les courses… C’est incroyable que ce soit presque possible, mais pas à chaque course. Et c’est pour moi très clair que ce moment arrive. Et malgré tout, on continue à travailler durement.

Vos principaux adversaires viennent de l’équipe de Suisse. Vous attendiez vous à une telle concurrence interne?

C’est incroyable à voir comment a évolué notre équipe cette saison. Je crois que pour chaque athlète de notre équipe ce fut apparemment sa meilleure saison. C’est incroyablement cool que l’on puisse se reposer les uns sur les autres et fêter ensemble autant de podiums. Avec des triplés, énormément de doublés et des médailles ensemble. On a pris beaucoup de plaisir.

Estimez-vous avoir peut-être mis l’accent sur la vitesse au détriment du géant, et cela s’est ressenti sur les résultats dans cette disicpline?

Non, je crois avoir plus ou moins fait la même chose que les années précédentes. J’aimerais bien être encore un peu plus lourd pour la descente, mais ce n’est pas encore aussi bien que je le souhaiterais. C’est peut-être uniquement un sentiment parce que j’ai un peu progressé en descente. Ou alors tout simplement ma technique, mon ski, se sont un peu plus développés du côté de la vitesse que du géant. C’est peut-être quelque chose que j’avais déjà un peu ressenti en milieu de saison, que j’avais perdu un peu de sensations en géant. C’est aussi pourquoi j’ai pu gagner en descente, que j’ai pu me montrer rapide à Val Gardena, à Crans-Montana ou à Kvitfjell. Et c’est quelque part un compromis que je dois faire.

À 27 ans, pouvez-vous encore évoluer ou voit-on la meilleure d’Odi?

Je pense qu’on évolue toujours en tant qu’athlète. C’est clair. On se développe naturellement en tant que personne. Et c’est difficile à comparer, je pense, avec la saison précédente. En vitesse, je pense que je suis devenu un meilleur skieur. En géant, peut-être un peu moins, mais fondamentalement, j’étais peut-être aussi à un niveau un peu plus haut l’année dernière.

Avec l’âge, est-ce que votre rapport à la compétition a changé?

J’ai vraiment toujours du plaisir. Bien sûr, c’est très, très fatigant, saison après saison, week-end après week-end, course après course, de toujours se donner à fond, d’être toujours en mesure de fournir cette performance et de devoir la fournir. C’est très fatigant, mais la joie est toujours là, surtout avec l’équipe, quand on peut fêter et partager ces émotions, c’est beau.

Certains ont parfois eu l’impression que vous vous êtes renfermés dans votre bulle cet hiver pour mieux performer. Était-ce vraiment le cas?

Non, pas vraiment. Je ne sais pas si c’est l’impression que je donne, que je suis un peu différent. Je n’en étais pas conscient, à vrai dire. Je ne sais pas à quoi ça se réfère exactement, à quelles impressions. Mais c’est clair que quand on a 45 victoires en Coupe du monde, ce n’est peut-être plus exactement le même sentiment. Même si je le ressens toujours comme ça. Mais on a peut-être moins ces émotions, du moins vers l’extérieur, mais celles-ci sont toujours très présentes.

Les nombreuses sollicitations ne sont-elles pas trop pesantes avec le temps?

Je pense que c’est ce qui est le plus fatigant. Le ski est une chose, mais le gros travail qui l’entoure rend le métier de skieur de compétition plus éreintant. Et il faut toujours bien le planifier pour ne pas perdre trop d’énergie.

Qu’est-ce qui vous le plus d’adrénaline sur la piste?

D’une part, c’est le sentiment pendant la course, où l’on se rend compte que c’était bien, que ça avance. C’est un sentiment cool en skiant. Mais ensuite, quand on arrive à la ligne d’arrivée et que l’on a la confirmation que le temps est vert avec une victoire, qu’il y a déjà ce soulagement que ça ait marché et ces émotions, c’est le sentiment le plus spécial.

Qu’est-ce qui vous rend le plus fier au-delà des résultats?

Que je suis toujours, je crois, exactement le même qu’il y a six, sept, huit ans, quand je suis arrivé en Coupe du monde en tant que jeune skieur. Nous avons un très grand respect les uns pour les autres, nous avons du plaisir ensemble. Cet esprit d’équipe est déjà très important pour moi et le fait de pouvoir transmettre cela d’une certaine manière aussi à la nouvelle génération ou aux garçons qui arrivent, je trouve ça bien. C’est agréable de sentir que je peux les inspirer avec mes bonnes courses ou mes succès, mais aussi par mon caractère, pour l’esprit, et c’est agréable.

Vous avez, il paraît prévu, un petit voyage avec Justin Murisier?

Nous avons décidé, étant ici en Amérique du Nord, d’aller directement une semaine en Alaska. Pour skier et pour bien terminer cette saison.

Johan Tachet, de retour de Sun Valley