Avec leur nouvel accord sur la vente des droits médiatiques de la Coupe du monde, la FIS et les fédérations nationales espèrent augmenter leurs revenus et gagner un plus grand public en offrant un meilleur produit. L’Autriche a toutefois refusé de se joindre à eux. Explications.
Après des années de discussions truffées de disputes, la FIS et les plus grandes fédérations nationales de ski, dont Swiss-Ski, se sont mises d’accord pour une commercialisation centralisée des droits médiatiques de la Coupe du monde à partir de la saison 2026-2027. Avec une exception: l’Autriche veut continuer à s’organiser de son côté. Un résultat dont tout le monde semble satisfait, même s’il reste à clarifier beaucoup de détails.
« C’est un travail de deux ans et demi pour essayer de trouver les bonnes solutions », s’est réjoui Michel Vion rencontré à Val Gardena. « C’est toujours compliqué de mettre 20 ou 25 nations dans le même paquet parce qu’il y a différents niveaux, différentes tailles, différents intérêts. Mais on a réussi à trouver une solution. Maintenant, c’est le commencement, on va essayer de travailler sur un nouveau produit – un bon produit, améliorer les formats, améliorer la qualité et améliorer la visibilité, pour à la fin mieux le vendre. »
Des objections au départ
Projet cher au président de la FIS Johan Eliasch depuis son entrée en fonction, la commercialisation centralisée avait dans un premier temps soulevé de nombreuses objections. Les fédérations s’étaient surtout plaintes que la FIS prenait des décisions unilatérales. Les Allemands sont même allés jusqu’au tribunal, qui leur a donné raison en novembre. Le manque de transparence du président, par ailleurs toujours grand patron de Head, avait beaucoup fait jaser, jusqu’au Conseil de la FIS, comme nous l’avait confié certains membres.
Dans les coulisses du Cirque blanc, les choses se sont toutefois accélérées et juste avant Noël, la FIS annonçait avec fierté avoir un accord avec la majorité des fédérations nationales, non sans avoir dû rendre des comptes aux athlètes pour avoir recalé une offre de CVC, société prête à investir plusieurs millions dans le ski alpin. C’est finalement passé après que des modifications, issues du projet « Snowflake » conçu par Swiss-Ski et plusieurs autres grandes nations, aient été apportées au concept initial.
Un contrat exclusif avec Infront
L’accord prévoit que les droits médiatiques et de retransmission internationaux pour toutes les épreuves de Coupe du monde FIS – que ce soit du ski alpin, du saut à ski ou du combiné nordique – sauf en Autriche, soient dorénavant gérés par l’agence basée en Suisse Infront, avec qui la FIS a signé un contrat exclusif. L’accord doit entrer en vigueur en 2026-2027 pour une durée de huit ans jusqu’en 2033-2034. À noter qu’Infront était déjà en partie à la manoeuvre dans la grande majorité des compétitions, en s’appuyant sur plusieurs télévisions nationales.
Concrètement, cela veut dire davantage de coordination d’une compétition à l’autre, que ce soit en Italie, en Norvège ou aux États-Unis. « On va mettre en commun des moyens logistiques, la production, les drones, toute la partie technique. Et surtout la diffusion: essayer de trouver les meilleurs partenariats possibles pour diffuser le produit le mieux possible », a expliqué Michel Vion. « L’idée c’était de centraliser ces droits de télévision pour essayer de mieux valoriser le produit. »
Développer le sport
L’objectif de cette « étape historique », comme nous l’a décrite Johan Eliasch, est d’attirer de nouveaux groupes cibles et d’augmenter les prix en espèces pour les athlètes. « L’accord garantit des revenus accrus pour toutes les fédérations participantes, un meilleur contrôle sur la gestion des droits et de nouvelles possibilités intéressantes pour l’engagement des fans grâce à des offres numériques innovantes », a promis la FIS. La nouvelle structure devrait aussi permettre aux organisateurs de planifier à long terme. Toutes les grandes fédérations ont signé aux côtés de la Suisse, à l’image des États-Unis, de la France, de la Norvège, de l’Allemagne, de l’Italie, du Canada, et bien d’autres.
« Nous sommes très satisfaits de cet accord et sommes fermement convaincus qu’il s’agit d’un premier grand pas vers le développement de la Coupe du monde et des sports de neige en général, de manière à ce que nous gagnions encore en attractivité », s’est réjoui Diego Züger, co-directeur général de Swiss-Ski, lors de l’annonce, en admettant que « les idées entre la FIS et les fédérations nationales étaient très éloignées au début ».
Johan Eliasch, interrogé à Saint-Moritz sur l’aboutissement de son projet de cœur, a aussi exprimé sa satisfaction: « Cela nous donne des opportunités phénoménales pour développer notre sport. C’est fantastique. »
L’Autriche à part
Seule ombre au tableau: l’absence de l’Autriche parmi les signataires. Grande puissance des sports d’hiver, la république alpine organise certaines des étapes les plus prestigieuses du Cirque blanc, comme la descente de Kitzbühel, l’ouverture de Sölden, les slaloms nocturnes de Schladming et de Flachau ou encore la Tournée des Quatre Tremplins en saut à ski. Satisfaite de son succès jusqu’à présent, Ski Austria a décidé de ne pas se joindre au projet de la FIS mais de rester fidèle à ses partenaires de longue date. « C’est un peu dommage mais sans surprise », a déclaré Michel Vion. Ce qui ne veut pas dire qu’une collaboration future est impossible.
« Nous sommes prêts à travailler avec la FIS dans certains domaines déjà cette saison, par exemple en matière de ‘digital assets’ ou de coopération numérique. Et nous serons prêts à travailler ensemble aussi à l’avenir », nous a assuré le secrétaire général de Ski Austria, Christian Scherer, à Val Gardena.
« Même si ce n’est pas un contrat qu’ils vont rejoindre totalement, on va essayer de trouver des solutions au moins en partie, sur certaines disciplines et à certains niveaux dans les deux mois, quatre mois, dix-huit mois, à voir », a confirmé Michel Vion. C’est sur les étapes plus petites qu’il y a surtout du potentiel. « À Kitzbühel, ils n’ont besoin ni de la FIS, ni de personne. Mais il y a des compétitions, même en alpin, qui ont besoin peut-être de plus de moyens, plus de promotion. Donc on doit rester ouverts: pour l’instant c’est sans eux, mais on va continuer à essayer de travailler avec eux. »
Le concept avance
Quoique regrettée, l’absence de l’Autriche ne se fera pas sentir, Ski Austria ayant toujours géré la commercialisation de ses droits TV séparément de la FIS. « Bien sûr, ce serait mieux d’avoir tout le monde mais la centralisation, le concept, avance et c’est tout ce qui compte », a affirmé Johan Eliasch.
Au final, l’objectif reste le même pour tout le monde: faire des sports d’hiver un produit attrayant et moderne pour aller chercher un public plus grand, plus jeune, plus international. Mais ce ne serait pas du sport s’il n’y avait pas une bonne dose de rivalité à la clé. Comme l’a noté Christian Scherer: « La FIS va vendre ses droits et nous allons vendre les nôtres. Et en 2034, on verra qui aura eu le plus de succès. »
Sim Sim Wissgott/LMO