Quarante-deux ans plus tard, les Suisses l’ont donc fait à nouveau. Dans l’euphorie des triplés réussis en combiné aux Championnats du monde et en descente à Crans-Montana et Kvitfjell, les skieurs rouges à croix blanche ont cette fois réussi un exploit historique en géant à Hafjell. Loïc Meillard, Marco Odermatt et Thomas Tumler ont inscrit ce samedi leur nom en lettres d’or dans la grande histoire du ski suisse, imitant Pirmin Zurbriggen, Max Julen et Jacques Luthy, les seuls à avoir réussi pareil exploit dans la discipline, à Adelboden en 1983.

« Ça fait depuis un moment qu’on se dit qu’on doit réussir un triplé », rigole Thomas Tumler, vice-champion du monde il y a quelques semaines à Saalbach. « C’était un petit peu compliqué en début de saison, notamment lorsque les Norvégiens ont réussi leur fameux triplé (ndlr: à Sölden). » Pourtant, c’est bien sur la terre de leurs meilleurs rivaux que les Suisses ont réussi une véritable démonstration ce samedi. « C’est magnifique. Être de retour au sommet du podium en géant, ça fait très plaisir, et le partager avec deux gars de l’équipe, c’est exceptionnel », confirme Loïc Meillard, qui a décroché sur l’Olympia-loype son troisième succès dans la discipline, le premier de l’hiver.

Marco Odermatt: « Plus que mérité pour Loïc »

Marco Odermatt, qui s’est assuré le gain du classement de la Coupe du monde de géant, était lui aussi aux anges et se réjouit de pouvoir « profiter » lors des finales de Sun Valley. « C’est vraiment fou! Un triplé avec Loïc en vainqueur et moi qui remporte le Globe alors que je pensais qu’Henrik Kristoffersen (son rival) allait être très dangereux, on peut être extrêmement heureux. Et le partager avec Tomi (Tumler), c’est un rêve qui se réalise. » Le Nidwaldien, souvent devant Loïc Meillard pour une poignée de centièmes, a malgré tout dû céder pour la deuxième fois seulement après le géant des Championnats du monde devant le Valaisan lorsque les deux hommes ont rallié l’arrivée. « On sait tous que Loïc peut être très rapide lorsque tout fonctionne », a rappelé celui qui a également assuré mathématiquement son 4e gros Globe consécutif. « Il a souvent été juste derrière moi. Cela fait deux fois qu’il est juste devant moi et c’est clairement plus que mérité. »

Pourtant, Loïc Meillard a une nouvelle fois connu une semaine compliquée puisque son dos l’a fait souffrir, comme trop souvent cette saison après qu’il se le soit bloqué à l’échauffement à Sölden. « Cette semaine, il n’a rien fait d’autre que des soins pendant deux jours mais aujourd’hui, il est allé chercher la victoire avec ses tripes », s’est félicité son entraîneur Julien Vuignier, qui a tracé la deuxième manche en suivant l’exemple de la première, sur une piste d’Hafjell que la plupart des athlètes découvraient. « C’est un profil de piste qui lui convient bien », a ajouté l’Evolénard. « La neige répond bien aussi et il a su profiter du dossard en première manche (il s’élançait avec le 1). Il n’avait pas une santé de fer mais il s’en est bien sorti. » Et pour la deuxième fois seulement, il a su confirmer après avoir remporté la première manche dans la discipline.

Loïc Meillard: « Je peux être fier d’être là où j’en suis »

« Je ne sais pas si rien ne peut m’arriver mais d’un autre côté je suis arrivé ici sans vouloir forcer, je n’avais qu’à me concentrer sur mon ski », détaille le héros du jour. « Je voulais essayer de reproduire ce que j’avais travaillé à l’entraînement et ça a payé. » De l’extérieur, son titre mondial en slalom semble l’avoir libéré. Il lui offre en tout cas un nouveau statut. « J’étais déjà rapide avant mais c’est vrai qu’en géant, je devais reprendre confiance après un début de saison compliqué et avec mes problèmes de dos. Il m’a fallu du temps pour finalement avoir ce dernier déclic dans la discipline. » Un dernier déclic qui lui permet donc de s’offrir une cinquième victoire en Coupe du monde.

Et au vu de sa forme actuelle, on est en droit de se demander s’il n’aurait pas pu rivaliser avec Marco Odermatt dans la lutte pour le gros Globe de cristal s’il n’avait pas subi ce souci physique au dos en début de saison. « C’est sûr que le niveau, je l’avais », insiste le skieur d’Hérémence. « Mais dans le sport, les accidents de parcours existent. En fin de compte, ça aurait aussi pu être pire. Je peux être fier d’être là où j’en suis avec les soucis rencontrés. Chaque trou sur la route fait qu’on apprend quelque chose en plus sur soi-même. » Cependant, l’athlète de 28 ans nourrit de belles ambitions pour le futur. « Bien sûr que ça fait rêver pour la saison prochaine! Mais y réfléchissant, j’étais à deux doigts d’être sur un lit d’hôpital fin octobre et j’aurais aussi pu être devant ma télé aujourd’hui. Alors là, j’en profite! » Et tant mieux, car il reste encore un slalom à disputer sur la piste qui avait accueilli les Jeux olympiques en 1994 et sur laquelle il était devenu champion du monde juniors de combiné en 2015. Pourvu que ça dure!

Laurent Morel, Hafjell