Trois drapeaux rouges à croix blanche se balancent dans le vent au moment où résonne le cantique suisse. Sur le podium, Marco Odermatt, Globe de cristal en main, Franjo von Allmen et Alexis Monney profitent pleinement du moment. L’annulation de la dernière descente de la saison à Sun Valley est anecdotique, les trois hommes viennent de couronner une saison extraordinaire dans la discipline reine, en réalisant un triplé qui n’avait été réussi qu’à deux reprises dans le passé. Dans un premier temps par la première génération suisse dorée composée de Pirmin Zurbriggen, Peter Müller et Franz Heinzer en 1987 et, ensuite, par la Wunderteam autrichienne de 2001 avec Hermann Maier, Stefan Eberharter et Fritz Strobl.

La domination suisse fut sans précédent avec 17 podiums sur les 24 possibles dans la spécialité. Une hégémonie absolue, magnifiée par un esprit d’équipe et une préparation exemplaire. « C’est exceptionnel. On ne s’attendait pas à un tel résultat en début de saison », salue leur entraîneur Valentin Crettaz. « Nos skieurs ont tout mis en place pour performer, tout en gérant la pression immense de l’extérieur, notamment du public qui attendait de retrouver nos athlètes aux avant-postes. Et au fur et à mesure que la saison avançait, tout fonctionnait de mieux en mieux. »

Marco Odermatt, le Globe de la progression

Avec en tête d’affiche, encore une fois, Marco Odermatt. « Gagner un Globe, c’est toujours spécial. Celui de la descente, c’est le plus grand des petits Globes, et c’est cool. » Le Nidwaldien de 27 ans continue d’empiler les trophées. Il compte désormais treize Globes de cristal dans sa collection, s’installant toujours un peu plus parmi les légendes du ski.

Si son niveau était déjà stratosphérique, le skieur d’Hergiswil certifie avoir encore progressé cet hiver. « Je me suis amélioré sur les descentes plus faciles, où il faut vraiment laisser aller les skis », analyse-t-il en faisant référence notamment à ses succès à Val Gardena et à Wengen. Une seule ombre au tableau pour lui: Kitzbühel, où il rêvait de s’imposer sur la mythique Streif en descente. « Je l’ai fait en super-G. Mais au moins ce sera encore un bel objectif pour le prochain hiver.»

Franjo Von Allmen et Alexis Monney, les révélations d’une génération

Derrière la locomotive Odermatt, Franjo von Allmen et Alexis Monney ont réalisé une progression fulgurante. Les deux talents du ski suisse, respectivement 17e et 20e du classement de la descente l’an dernier, terminent aujourd’hui dauphins d’Odi. « Ce n’est pas quelque chose que j’avais imaginé en début de saison », avoue Alexis Monney qui n’aurait osé espérer meilleur scénario que de « partager ce podium avec Franjo et Marco, c’est incroyable ».Franjo von Allmen, justement, savoure. « C’est cool d’écrire encore un peu plus l’histoire. Au début de la saison, je n’aurais jamais rêvé d’une telle issue. Imaginez, je termine 2e pour ma seconde saison en Coupe du monde… »

Et l’avenir s’annonce radieux pour les deux hommes qui ne comptent que 25 bougies pour le Fribourgeois et 23 pour le Bernois. Le duo compte bien repousser encore ses limites. « Il ne faut pas se fixer de barrières, il y a encore beaucoup à aller chercher », estime le skieur de Châtel-Saint-Denis, poursuivi dans son raisonnement par le champion du monde de la descente. « J’espère qu’un jour je pourrai skier pour remporter le Globe de cristal. »

Une dynamique de groupe irrésistible

À ces trois noms, s’ajoutent encore ceux de Justin Murisier, qui a remporté sa première course de Coupe du monde lors de la descente de Beaver Creek, et Stefan Rogentin, qui a signé ses deux premiers podiums dans la discipline il y a deux semaines à Hafjell. Alors, comment expliquer cette hégémonie suisse? « Si tu as un flow dans l’équipe, tout est plus facile », mentionne Marco Odermatt. « L’émulation du groupe nous pousse à aller plus loin. » Alexis Monney confirme: « L’effet de groupe nous a permis de nous pousser vers l’avant, mais après, tout le monde skie techniquement très bien. Il faut alors saluer le travail de tout le staff technique et des servicemen. Et peut-être que nos résultats ont démobilisé aussi nos adversaires en milieu de saison »

Cette saison 2024/25 restera dans les annales du ski suisse. Mais il n’est pas question de se reposer. « C’était une saison exceptionnelle et ça va être difficile de faire mieux, mais on va bosser dès avril et mettre les gaz pour l’année prochaine », prévient Valentin Crettaz. « On va repartir sur les mêmes bases, avec le même état d’esprit d’équipe qui est très important pour nous et continuer sur cette voie. » Pour encore écrire davantage l’histoire.

Johan Tachet, Elkhorn