Armand Marchant est entré dans les livres d’histoire avec sa 2e place à Gurgl ce week-end. Un premier podium pour la Belgique, qui est aussi, un tout petit peu, pour la Suisse, et qui montre ce qui est possible même venant d’une petite nation sans montagnes. Réaction.
L’histoire d’Armand Marchant, c’est d’un côté une histoire de skieur typique : de longues années de travail, des blessures, des revers et de nombreuses déceptions avant de rencontrer le succès. Mais c’est aussi une histoire improbable : celle d’un skieur venu d’un pays sans montagnes, qui a dû construire sa propre structure et qui fait partie, désormais, des meilleurs slalomeurs du monde.
« On pourrait quasiment faire un film sur mon parcours ! », a rigolé le Belge, qui a signé le meilleur résultat de sa carrière mais aussi offert un premier podium historique en Coupe du monde à son pays, en finissant 2e du slalom à Gurgl samedi. « Mon père est fermier, ma mère est vétérinaire. Je viens du Plat Pays, je ne vois jamais la neige quand je suis à la maison », a résumé le skieur, qui habite toujours en Wallonie, non loin de Liège. « Il n’y a pas de montagnes, c’est la campagne complète, c’est la Belgique. Je viens vraiment d’un pays non alpin ! » Rien à voir donc avec la victoire – également historique – à Levi une semaine plus tôt du Brésilien Lucas Pinheiro Braathen, aux racines norvégiennes.
« Il faut y croire »
Pour les petites nations, ce podium était la preuve de ce qu’il est possible d’accomplir même avec peu de moyens, a noté Armand Marchant, qui a aussi des liens proches avec la Suisse par le biais de son sponsor, la station valaisanne d’Anzère. « Pour tous ces pays-là, il faut y croire. Il y a moyen, il faut vraiment mettre les moyens en place, se donner à fond. Et vous voyez que tout est possible. »
En Coupe du monde depuis 11 ans, l’athlète wallon n’a pas bénéficié du genre de structure que peuvent offrir les grandes puissances du ski comme la Suisse, la France ou l’Autriche. « C’est très difficile en tant que Belge, parce qu’il n’y a rien qui est vraiment mis en place. On a dû tout créer avec mes parents. J’ai dû trouver un entraîneur. C’était un parcours très particulier. » Ce premier podium à Gurgl, après 75 départs sur le Cirque blanc, était enfin la récompense tant attendue. « On dit que le chemin est plus important que les résultats. Voilà, les deux sont là et c’est encore plus beau. »
Un podium qui s’est fait attendre
Il faut dire qu’Armand Marchant a subi un coup de massue dès sa troisième saison parmi l’elite. Une grosse blessure à Adelboden en 2017 l’a mis à l’arrêt pendant deux saisons entières. « Je me suis complètement explosé le genou. J’ai mis deux ans sans ski, sept opérations au genou gauche. C’est toujours ça qui me freine un peu », nous a confié le skieur samedi. De retour sur le circuit, il a signé son meilleur résultat à Zagreb en janvier 2020, une 5e place. Mais il lui a ensuite fallu patienter presque six ans pour enfin grimper sur la boîte.
Deux énormes manches à Gurgl ont suffi enfin pour le hisser sur la 2e marche du podium ce week-end. Et encore, s’il n’avait pas commis une grosse erreur en seconde manche, il aurait pu se retrouver sur la plus haute marche, à la place du Français Paco Rassat. Peu importe : les deux skieurs, ayant anéanti la concurrence à la surprise générale, se sont tombés dans les bras à l’annonce du résultat.
« Gurgl, c’est un endroit où j’ai toujours de bonnes sensations. Tellement heureux, tellement heureux, tellement heureux… », n’a pu s’empêcher de répéter le Belge après la course. C’est un détail amusant de penser que le skieur de Thimister, une ville située à seulement 270 m d’altitude, a vécu son plus grand exploit sur la piste de slalom la plus élevée du Cirque blanc, avec un départ à 2 475 m. Alors que son papa était présent dans les stands, sa maman, pourtant normalement du voyage, manquait cette fois-ci. « Mais bon, elle me regarde à la télé. Je pense qu’elle a pu encore plus en profiter à la télé qu’ici », a plaisanté le skieur.
La Swiss Connection
Le podium d’Armand Marchant est, quelque part, aussi un peu un podium pour la Suisse. Sans la possibilité de s’entraîner chez lui, le Belge a trouvé son bonheur chez nous, rejoignant même le ski-club de Martigny pendant ses premières années. Sponsorisé maintenant par Anzère, il se sent « un peu suisse ». « J’ai passé beaucoup de temps là-bas et je suis heureux de leur rendre la pareille parce qu’ils m’ont tellement soutenu durant toutes ces années », s’est réjoui le skieur wallon, qui s’entraîne aussi souvent avec l’équipe helvétique, comme cet été en Nouvelle-Zélande. Une collaboration qui l’a aidé à trouver son meilleur ski, même s’il a battu ses camarades dans l’Ötztal.
« C’est ça aussi qui me donne des bonnes indications. Quand je vois Tanguy (Nef), qui était deuxième de la première manche et que je n’étais pas si loin que ça de lui, je me dis : “Ah, je l’ai déjà battu à l’entraînement en Nouvelle-Zélande, je peux aller le chercher”, » a expliqué le Belge, qui était 9e après la 1re manche samedi, à 0”26 du Suisse. « Et je pense que c’est vice-versa. Des synergies où on se tire vers le haut, c’est toujours bon. Qu’on soit une petite ou une grande nation, ce sont des synergies vraiment importantes. »
Un bière belge pour fêter
A-t-il éprouvé malgré tout une petite satisfaction, venant d’une petite nation, à battre les athlètes de grandes puissances comme la Suisse ? « Je pense qu’ils sont aussi très contents pour moi parce que ça prouve que quand ils me battaient, ils avaient largement aussi la vitesse pour aller sur le podium », s’est amusé le Belge.
Il est peut-être entré dans les livres d’histoire samedi, mais les célébrations allaient devoir attendre. Devant rentrer le soir même en Belgique, Armand Marchant a dit qu’il mettrait peut-être la musique à fond dans la voiture et ouvrirait quelques bières – belges, bien évidemment. « L’hiver s’enchaîne. Il faut rester concentré et on fêtera surtout en fin de saison. »
Sim Sim Wissgott, de retour de Gurgl
