La Grèce, son histoire, son architecture, ses iles, son soleil et… son skieur vice-champion du monde. C’est l’exploit accompli par AJ Ginnis, qui, à 28 ans, après de nombreuses galères, a remporté l’argent du slalom des Championnats du monde de Courchevel derrière le Norvégien Henrik Kristoffersen. “C’est un rêve qui se réalise. C’est deux dernières semaines ont tout simplement été incroyables.” Il y a quinze jours, il montait sur son premier podium de Coupe du monde avec le dossard 45 à Chamonix. Deux semaines plus tard, AJ – pour Alexandros Ioannis – Ginnis confirme qu’il n’était pas un unique coup de tonnerre envoyé par Zeus sur les montagnes au delà de l’Olympe. “C’est un truc de fou. Je vais pouvoir le raconter à mes enfants, mes petits enfants.”

Mais qui aurait pu prédire avant ces Championnats du monde de Courchevel et de Méribel que la Grèce compterait autant de skieur médaillé que la France? L’histoire est presque improbable pour un athlète talentueux qui a appris à skier sur les pentes du Mont Parnasse où son père était professeur de ski et possédait un petit shop. Lorsque le petit AJ était tout juste âgé de 12 ans, toute la petite famille, fan de ski, a déménagé en Autriche, afin d’assouvir sa passion de l’or blanc. Il s’envolera ensuite pour les États-Unis, pays de sa maman, pour rejoindre l’Université de Darmouth, qu’a également fréquenté Tanguy Nef, et l’équipe nationale américaine de ski.

Six opérations du genou, un bannissement de l’équipe des États-Unis

Mais sous la bannière étoilée, le skieur d’Aráchova va longtemps être freiné par les blessures. “J’ai été opéré à six reprises dont quatre fois du ligament croisé et deux fois du ménisque”, raconte-t-il. Étant donné qu’il fréquente plus souvent les hôpitaux que les pistes enneigées du pays, l’équipe américaine décide de ne pas le conserver dans ses cadres en 2020. “Je ne leur en veux pas car j’ai pu énormément me développer au contact d’athlètes talents.” Qu’importe, AJ Ginnis est têtu, comme il se décrit, et se lance alors seul sur le front de la Coupe du monde sous les couleurs paternelles de la Grèce. Les sacrifices sont nombreux afin de permettre à l’athlète de poursuivre son rêve. “Je ne remercierai jamais assez mes coaches et amis (ndlr: Sandy Vietze et Gabriel Coulet) qui sont restés à mes côtés malgré les galères. Quand je pense qu’ils ont parfois dormi dans la voiture dans un sac de couchage pour éviter des dépenses.”

Alors qu’il pensait enfin faire son trou après une 11e place à Flachau il y a deux ans, le Grec se blesse une énième fois au genou à la veille du début de la saison 2021-2022, à quelques mois de réaliser son premier rêve: participer aux Jeux olympiques. Mais il aura la chance de se rendre tout de même à Pékin. Pas en tant que skieur, mais en tant que consultant pour NBC. “J’ai pu revoir tout le monde, mes amis. Les voir skier a rallumé le feu en moi.” Rentré au pays, il confie à sa maman son envie “d’essayer une dernière fois de revenir en Coupe du monde”. “Elle a été incroyable. Elle aurait pu me dire: “c’est bon, tu t’es assez blessé, trouve-toi maintenant un vrai job.” Au contraire, elle m’a encore encouragé.”

L’inspiration de Stefanos Tsitsipas et de Giannis Antetokounmpo

Motivé comme jamais, il se fixe un objectif: celui de participer aux Jeux de Milan/Cortina en 2026. “Pas uniquement pour skier, mais pour viser les médailles. Et une année après, me voici vice-champion du monde.” Un titre qui s’est également construit en Suisse, en Valais plus précisément, puisqu’AJ Ginnis est venu se préparer, comme le champion du monde Henrik Kristoffersen d’ailleurs, à Zinal.

D’un airbnb, dans lequel il logeait à Sierre quand il s’entraînait sur les pentes anniviardes, au Mont Olympe, il n’y a qu’un pas et AJ Ginnis entre par la grande porte dans l’histoire du sport grec qui n’avait jamais connu une telle consécration dans un sport de neige. “C’était déjà la folie après ma 2e place à Chamonix, je n’ose pas imaginer comment cela va se passer quand je vais rentrer au pays”, sourit celui qui est un grand fan du tennisman Stefanos Tsitsipas et du basketteur Giannis Antetokounmpo. “Pour moi, ce sont des inspirations. En les voyant réussir, je me disais que je pouvais aussi parvenir à réaliser de belles choses et placer la Grèce sur la carte du ski mondial.”

Pari réussi pour AJ Ginnis, devenu le Dieu grec des neiges.

Johan Tachet, Courchevel