Justin Murisier a serré les dents. Les douleurs au genou l’ont souvent perturbé durant l’ensemble de l’hiver. Mais au final, le Valaisan a réussi la meilleure saison de sa carrière en descente, en remportant notamment sa première victoire en Coupe du monde à Beaver Creek. À 33 ans, le skieur bagnard entend encore progresser en vitesse, pour autant que son genou le laisse tranquille. Interview.

Justin Murisier, la saison se termine. Vous terminez 7e en descente, votre meilleur hiver dans la discipline, et 17e en super-G. Quel bilan tirez-vous?

Si l’on commence par le super-G, je dois avouer que la saison a été très difficile. Je n’ai jamais vraiment réussi à retrouver les sensations que je voulais, celles que j’avais il y a deux ans ou même l’an dernier, où je jouais aux avant-postes. C’est une vraie déception, car c’est une discipline où je sais que je peux skier avec de l’instinct. Mais quand il manque un peu de confiance, cela se paie cash. Contrairement à la descente, où les entraînements permettent de gommer certaines faiblesses, en super-G, ce n’est pas le cas.

En revanche, en descente, le bilan est bien plus positif. Je termine 7e au classement de la discipline et je me retrouve 6e de la starting-list, ce qui montre une belle progression. L’an dernier, j’étais 14e, donc c’est un vrai pas en avant. Malgré deux courses manquées, à Crans-Montana et à Kvitfjell, j’ai été régulièrement dans le top 10. C’est très encourageant d’autant plus que j’ai souvent connu des douleurs au genou.

Justement, à quel point votre genou vous a-t-il gêné cette saison?

Il m’a beaucoup dérangé depuis Bormio, voire même depuis Alta Badia. J’ai dû composer avec la douleur et, en quelque sorte, survivre tout au long de l’hiver. C’est pourquoi je suis soulagé d’arriver au bout de la saison. Une opération sera nécessaire pour un nettoyage du genou. L’objectif est de me remettre à 100% pour l’année prochaine, car skier sous anti-inflammatoires et antidouleurs en permanence, ce n’est pas idéal. Cela dit, je ne veux pas utiliser cela comme excuse pour mes résultats. Quand je prends le départ, c’est que je me sens capable de me battre avec les autres. Mais mentalement, ce n’est pas évident d’avoir toujours cette douleur en tête. J’espère que cette intervention me permettra de franchir un cap et de retrouver toutes mes capacités physiques.

Vous allez donc subir une arthroscopie?

Oui, l’opération est prévue mi-avril, suivie d’une phase de réhabilitation. L’an dernier, j’avais déjà subi une intervention sur l’autre côté du genou, et cela ne m’avait pas empêché de bien me préparer pour le début de saison. L’objectif reste le même: ne pas me précipiter, retrouver la forme physique, et être prêt en décembre. Mais une chose est certaine, je vais arrêter le géant, c’est définitif.

Le géant est trop contraignant pour votre genou?

Oui. J’aimais le garder pour travailler ma technique en vitesse, mais cela me cause trop de douleurs au genou. Il est temps de me concentrer uniquement sur le super-G et la descente pour les dernières années de ma carrière.

Vous faites désormais partie du top 7 mondial en descente. Vous sentez-vous capable de viser encore plus haut?

Complètement. À Bormio, je termine 6ᵉ à seulement neuf centièmes du podium. J’ai aussi gagné ma première descente à Beaver Creek et à Kitzbühel, je réalise une belle course. Je n’ai jamais été aussi proche d’enchaîner les podiums. Cela prouve que j’en suis capable. Mais pour franchir ce dernier cap, l’aspect physique sera déterminant. Ce n’est pas le nombre de jours passés sur les skis qui fera la différence, mais ma capacité à être en pleine possession de mes moyens.

Retrouver le haut du tableau en super-G reste-t-il également un objectif prioritaire ?

Oui, je veux absolument retrouver mon niveau en super-G. Je vais devoir d’abord regagner en condition physique pour pouvoir m’exprimer pleinement dans cette discipline. Cette saison, je me suis parfois trop cherché, j’ai voulu trop en faire et cela s’est ressenti dans mes résultats. Je dois retrouver le flow qui me manquait.

Lara Gut-Behrami a beaucoup parlé de la notion de plaisir qu’elle a retrouvé en fin de saison. Pour vous, est-ce aussi un facteur clé pour pouvoir vous épanouir sur les skis?

Oui, le plaisir est essentiel. On peut avoir toute la motivation du monde, mais si l’intensité et l’envie ne suivent pas, on n’y arrive pas. L’état d’esprit joue un grand rôle dans la performance. Quand on se sent bien, cela se ressent immédiatement sur les skis. C’est un équilibre à retrouver.

Avez-vous tout de même pris du plaisir cette saison, malgré les douleurs ?

En début de saison, jusqu’à Bormio, oui. Mais après, cela a été une vraie bataille pour arriver en forme les jours de course. Ce n’était pas agréable. Pour la première fois de ma carrière, je me suis dit que dans ces conditions, je ne refais pas une saison de plus. C’est pourquoi je vais me faire opérer et tout faire pour revenir à 100% physiquement. Je vais me battre. Une chose est sûre : je ferai encore une saison, mais je ne veux pas en tirer quinze autres si les douleurs persistent.

Johan Tachet, Warm Springs