Crâne rasé coloré en motif léopard, jeans baggy bien larges, backflips, skateboard… À 22 ans, Lenz Hächler ne rentre dans aucune case. Le Zougois revendique d’ailleurs un style un peu freestyle. Sur les skis aussi, l’attaque est totale. Rencontre à Sölden avec le prodige du ski helvétique en marge du géant d’ouverture de la Coupe du monde.
Lorsque l’on évoque la relève du ski alpin suisse, le nom de Lenz Hächler est régulièrement cité parmi les spécialistes. Le Zougois de 22 ans fait partie des plus sûrs espoirs de notre pays, suscitant naturellement de grosses attentes pour les prochaines années. Ses résultats dans l’antichambre de la Coupe du monde parlent en sa faveur. La saison dernière, il a remporté le classement du géant en Coupe d’Europe, s’offrant une place fixe sur le Cirque blanc dans la discipline au passage, et a terminé 2e du général. Un talent couplé à la polyvalence, comme en témoignent sa médaille d’argent en 2023 aux Mondiaux juniors de Sankt-Anton en super-G, une année avant son titre mondial juniors acquis en slalom à Morzine.
Lenz Hächler est un touche-à-tout qui prône le plus souvent l’attaque au contrôle lorsqu’il franchit un portillon de départ. L’athlète ne dénombre plus ses sorties de piste et les blessures qui les accompagnent. Parmi les pépins physiques récents, on recense notamment une hémorragie cérébrale et des côtes fracturées après une chute à vélo au printemps dernier, les ligaments d’un pied touchés durant l’été en jouant au spikeball, sans compter des inflammations chroniques au tibia. « Apprendre à doser » est le leitmotiv du skieur que ses proches décrivent comme farceur mais très travailleur. En six apparitions sur la Coupe du monde, il n’est parvenu à se qualifier qu’une seule fois en seconde manche à Kranjska Gora en mars dernier, sans parvenir ensuite à marquer ses premiers points après une nouvelle élimination.
Rebelotte il y a un peu plus d’une semaine. Pour le géant d’ouverture de saison à Sölden, sur cette piste difficile à la base et encore rendue plus compliquée par les irrégularités et une météo exigeante, le Zougois n’est pas arrivé au fond du premier parcours. «Je suis déçu d’être tombé, mais je manque encore de jours de ski», souffle-t-il après avoir connu un enchaînement de pépins physiques.
Comparé à Marco Odermatt malgré lui
C’est le métier qui rentre, en quelque sorte, pour l’athlète du cadre B qui évolue désormais dans le groupe d’entraînement élite de Swiss-Ski aux côtés de Marco Odermatt, Thomas Tumler, Justin Murisier et Gino Caviezel. Et bien évidemment, le pas est grand. «L’intensité ne change pas énormément car on se donne toujours à fond à l’entraînement; par contre le niveau, c’est vraiment autre chose», assure-t-il. D’autant plus qu’il n’a pas encore eu le temps de s’adapter à ses nouveaux skis.
Car l’été dernier, le talentueux athlète a quitté Nordica pour rejoindre, malgré nombreuses offres, Stöckli, l’équipementier du patron du Cirque blanc Marco Odermatt. Beaucoup, d’ailleurs, collent à Lenz Hächler l’étiquette de successeur au quadruple vainqueur du grand Globe de cristal. « Je préfère poursuivre mon propre chemin », insiste-t-il en gardant ses distances vis-à-vis de tous les parallèles qui peuvent être tirés.
Le prodige zougois possède son propre style. Que ce soit sur les skis ou dans sa mentalité qui se rapproche beaucoup des spécialistes de freestyle. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que Lenz Hächler a pratiqué le snowboard et qu’il a longtemps traîné dans les snowparks lorsqu’il ne se trouvait pas dans la poudreuse à tracer sa ligne. Dans ce monde, parfois très carré du ski alpin, le jeune homme déroge aux règles. Par le passé, il n’hésitait pas à s’afficher avec des cheveux décolorés, roses et même des motifs léopard dont jalouserait presque le géantiste américain River Radamus.
Lenz Hächler, c’est du talent et un style assumé. Désormais, il lui reste à prouver son énorme potentiel sur le front de la Coupe du monde. Avec une prochaine chance qui s’offrira à lui à Copper Mountain où est agendé à la fin de ce mois le prochain géant. Et si le Zougois prenait son envol sur le Cirque blanc dans une station aux accents de ski freestyle? Ce serait tout un symbole.
Sophie Rey & Johan Tachet, de retour de Sölden
