Rainer Schönfelder a fait partie de cette génération autrichienne qui a tout remporté dans les années 2000. Aujourd’hui, c’est la Suisse qui domine le Cirque blanc. Il nous a expliqué pourquoi, et aussi où les Autrichiens ont commis des erreurs par le passé. Entretien.

« Un gros compliment aux Suisses: la façon dont ils se présentent actuellement en tant qu’équipe est quand même géniale. » Rainer Schönfelder ne tarit pas d’éloges pour les exploits helvétiques ces dernières saisons, et surtout l’hiver dernier où ils ont dominé la Coupe du monde et les Championnats du monde.

Peut-être peu connu en terre helvétique, l’ancien champion est toujours une star dans son Autriche natale. Au début des années 2000, il était un des meilleurs skieurs du monde, remportant le Globe du slalom en 2004, une médaille d’argent aux Mondiaux de Bormio en 2005, puis deux médailles de bronze aux Jeux olympiques en 2006. Son côté farceur et ses bonnets déjantés lui ont aussi valu de nombreux fans.

En le croisant à Sölden lors du week-end d’ouverture de la saison, on n’a donc pas pu s’empêcher de lui poser quelques questions sur l’état actuel de l’équipe autrichienne et ce qu’il pense de nos Suisses. Leur secret, selon lui? « Ils savent travailler comme une équipe. » « Marco Odermatt est un athlète de très haut niveau mais il laisse participer les autres. Cela élève automatiquement le niveau de tout le groupe », nous a-t-il confié. « Malgré les exploits individuels d’Odermatt ou de Meillard, la Suisse est une équipe et ça se voit. Ils s’entendent bien, ils s’amusent, et c’est important. »

Des stars solitaires

Rainer Schönfelder sait de quoi il parle. Il appartient à cette génération autrichienne qui a tout raflé pendant des années – celle de Hermann Maier, Fritz Strobl, Stefan Eberharter, Benni Raich, Hans Knauss et Michael Walchhofer. Une génération qui a connu bien des victoires mais aussi une énorme concurrence interne. « Si Odermatt s’entraînait individuellement, la Suisse ne serait pas aussi forte en tant qu’équipe », résume ainsi l’ancien champion. Une petite pique, peut-être, envers des stars comme Hermann Maier ou Marcel Hirscher qui ont toujours préféré des structures indépendantes.

Et cela explique aussi en partie la forme actuelle des Autrichiens. « Marcel Hirscher a porté notre succès pendant de nombreuses années », note l’ancien skieur, qui commente désormais les courses pour la télévision allemande. De 2012 à 2019, le champion d’Annaberg a simplement dominé le monde du ski, remportant huit gros Globes d’affilée – du jamais vu. Mais son succès a masqué certaines failles. « On a toujours su que derrière Marcel, on n’avait pas une telle densité. Cela a naturellement faussé un peu l’image. »

Un gouffre derrière les champions

L’équipe rouge-blanc-rouge compte toujours des stars comme Vincent Kriechmayr, Manuel Feller ou Marco Schwarz, mais il suffit que l’un d’eux ne soit pas au départ pour que les chances autrichiennes diminuent largement. Rien à voir avec la situation helvétique où un Franjo von Allmen, Alexis Monney, Stefan Rogentin, Justin Murisier ou Thomas Tumler est toujours prêt à prendre le relais si Marco Odermatt ou Loïc Meillard connaît un jour sans. « La Suisse a une énorme densité dans presque toutes les disciplines actuellement, ce n’est pas le cas des Autrichiens », regrette Rainer Schönfelder.

Malgre le triste bilan autrichien chez les messieurs l’hiver dernier – une seule victoire en Coupe du monde et pas un seul podium en descente – l’ancien champion défend ses compatriotes. « Nous avons aussi une bonne équipe, une équipe cool, passionnante. Notre problème c’est le manque de profondeur, pas le talent individuel. »

Ski Austria dans le sillage de Swiss-Ski

Ayant réalisé qu’elle avait un gros problème, la fédération autrichienne met désormais tout en oeuvre pour développer de jeunes champions – tout comme Swiss-Ski l’a fait il y a 10 ans lorsque les skieurs helvétiques peinaient et les Autrichiens dominaient. Et c’est précisément ce genre de retournement qui rend les choses intéressantes. « Évidemment que ça ne nous plaît pas de se faire allumer par la Suisse. À mon époque c’était l’inverse! », a noté Rainer Schönfelder en rigolant. « Mais au final, cette rivalité Autriche-Suisse revitalise la compétition et rend les choses excitantes. Parfois, ce sont les uns qui sont devant, parfois les autres… Il faut constamment se réinventer. »

Quant à Marco Odermatt, « il peut continuer encore longtemps avec cette forme ». Non seulement son succès mais sa technique impressionne l’Autrichien. « Il a réussi à révolutionner le ski: il skie un peu différemment de tous les autres, c’est une autre technique. Et cela le rend très, très rapide! »

Sim Sim Wissgott, de retour de Sölden