L’étape en Géorgie a été une nouvelle fois un succès, maintenant le patron du Freeride World Tour vise plus loin: le Xinjiang et un retour en Alaska. Rencontre avec Nicolas Hale-Woods qui a fait le point sur ses projets pour le circuit, les limites du calendrier, la perspective des Jeux olympiques et les avantages à travailler avec la FIS.
Des Championnats du monde, bientôt peut-être des Jeux olympiques, une étape en Géorgie: le freeride ne fait que grandir et chercher de nouveaux horizons. À Mestia au fin fond de la Svanétie pour la quatrième épreuve de la saison, on a eu l’occasion de s’entretenir avec le fondateur et patron du Freeride World Tour, Nicolas Hale-Woods. Il a fait le point sur la collaboration entre le freeride et la FIS, ses projets au Xinjiang et en Alaska, mais aussi les limites du format actuel. Entretien.
Nicolas Hale-Woods, le Freeride World Tour a fait escale en Géorgie pour la deuxième année de suite cet hiver. Quel est votre bilan?
Je suis très satisfait. La première année, on découvrait encore, mais là maintenant, on a de meilleures ressources, on a des interlocuteurs qui comprennent ce qu’on veut et on a un peu revu la structure. On l’a vu, c’était compliqué, mais on était prêts pour organiser un événement quelle que soit la difficulté du climat, de la météo et de la neige.
Le Freeride World Tour se dispute principalement en Europe occidentale ou en Amérique du Nord. Quelles sont les difficultés à organiser ce genre d’événement dans un pays comme la Géorgie?
En tant que Suisse, on aime la ponctualité et la Géorgie n’est pas connue internationalement pour sa ponctualité (rires). À partir de là, on doit s’adapter à l’environnement local, aux gens et à leur culture. Mais il y a un très bon échange qui fait qu’on a envie que l’événement se passe bien, parce qu’il s’est très bien passé l’année passée, c’était une des meilleures étapes du Freeride World Tour depuis son origine en 2008! Alors on a envie que ça continue sur cette lancée parce qu’il y a des montagnes incroyables et de la neige incroyable. Les riders étaient super contents que la fenêtre météo se prolonge cette année parce qu’ils ont pu passer plusieurs jours à Mestia, sur la neige mais aussi en dehors. C’est une aventure, une expérience culturelle très riche.
En parlant d’aventure, vous avez récemment effectué un voyage de prospection au Xinjiang, à Jikepulin. Peut-on s’attendre à une étape chinoise du Freeride World Tour bientôt?
On ne peut rien annoncer à ce stade mais il y a des montagnes fabuleuses, on a des partenaires chinois très bons avec qui on est en phase et donc on est en ligne sur ce qu’on veut atteindre comme objectif et comment y arriver. Pouvoir démarrer avec de l’actualité freeride en décembre, d’un point de vue médiatique, ce serait génial. En général, on doit attendre le mois de janvier pour avoir assez de neige et là-bas, il y a beaucoup de neige déjà en novembre-décembre.
Qu’est-ce qu’il reste à faire pour que le Xinjiang se concrétise?
L’idée après ce premier voyage de prospection, c’est de faire un « test event »: 4-5 riders, une équipe de production super limitée et un photographe qui vont skier les faces qu’on a identifiées, idéalement en décembre de cette année. Ensuite, une épreuve 4 étoiles par exemple en décembre 2026, avec comme objectif d’organiser un événement Freeride World Tour en décembre 2027. Mais il y a beaucoup de « si ». Un événement en Chine doit être financé par des partenaires chinois et c’est un autre monde. Mais on a des associés qui sont bons, donc on y croit. Ensuite, on verra ce que la météo, la neige et la logistique nous réservent. Mais c’est super excitant.
Avez-vous d’autres projets en cours à part la Chine?
L’autre idée qui nous travaille depuis toujours, c’est l’Alaska. On est en discussions avec des sponsors, avec Haines, et on espère pouvoir annoncer une étape du Freeride World Tour en 2026. On y était de 2015 à 2017 et c’était génial. Le fait que le freeride devrait être annoncé au programme des Jeux olympiques 2030 va aider.
Actuellement, le Freeride World Tour se déroule sur trois mois de l’année, de janvier à mars. Ne serait-ce pas possible d’allonger la saison ou d’ajouter d’autres étapes au calendrier?
Une étape demande au moins sept jours sur place, plus deux jours de voyage. Si on en fait six aujourd’hui, c’est déjà beaucoup, et l’année prochaine on en aura sept avec les Championnats du monde en Andorre. La possibilité d’élargir serait plutôt en novembre-décembre dans des destinations qui proposent de la neige à ce moment-là. En avril, c’est plus difficile parce qu’on ne veut plus parler que de sports d’été. On n’aura donc jamais dix étapes en hiver parce que c’est trop. Les riders ont aussi un autre agenda: à côté de la compétition – où ils ne gagnent pas bien leur vie, il faut le dire – ils font du film, de la vidéo, de la photo. Le « prize money » aujourd’hui sur le Tour est de 500’000 dollars – ce qui fait peu en moyenne sur six étapes avec 50 riders. Le jour où on pourra proposer beaucoup plus, on pourra imaginer plus d’étapes, mais on n’en est pas encore là.
Cela fait maintenant plus de deux ans que le freeride a été incorporé dans la FIS. Comment se passe la collaboration et qu’est-ce qu’elle a apporté au Freeride World Tour?
Elle a apporté beaucoup de choses. Si le Tour est en Géorgie, c’est parce que le management de la FIS nous a introduits auprès des autorités géorgiennes. On a tout de suite parlé aux bonnes personnes. Sans la FIS, on ne serait pas ici. La reconnaissance du freeride en tant que discipline officielle nous permet aussi d’obtenir des subventions, par exemple du Fonds du sport en Suisse pour l’Xtreme de Verbier, qu’on n’aurait pas sans la FIS. Par ailleurs, la FIS nous laisse la gestion de la discipline sans que ça ne change l’essence, l’esprit et les règles de la discipline. Johan Eliasch, le président de la FIS, a compris qu’il ne fallait pas casser ce qui s’était construit depuis 30 ans. Il nous laisse cette indépendance, on a un système de gouvernance à l’intérieur de la FIS qui est beaucoup plus facile et simple que pour les autres disciplines. Et pour l’instant, ça se passe très bien.
Les premiers Championnats du monde de freeride auront lieu l’hiver prochain, et la discipline pourrait également être au programme des Jeux olympiques en 2030. N’est-ce pas un peu contradictoire avec l’esprit libre de ce sport?
Pas du tout. Ce que veulent le CIO et la FIS, c’est que le sport vive comme il a vécu, en phase avec son audience – une audience jeune, mais moins jeune aussi. Beaucoup de gens pensent: « Le freeride est foutu parce qu’il est à la FIS, il est aux JOs », mais quand on regarde ce qui se passe avec le surf, ce n’est pas du tout le cas. Ça donne juste une audience beaucoup plus grosse une fois tous les quatre ans, ça donne une légitimité auprès des partenaires, auprès des stations, auprès de toute l’industrie du ski. On est tous en train de tirer à la même corde.
Sim Sim Wissgott, de retour de Mestia